Pour son numéro d’octobre, « Que Choisir » a analysé la teneur en principe actif de 30 comprimés, gélules ou sachets de paracétamol et d’ibuprofène périmés, parfois depuis près de 30 ans, récoltés auprès de consommateurs. Résultats : « dans 80 % des cas les médicaments contiennent suffisamment de substance active pour être considérés comme efficaces », annonce l’association de consommateurs qui se base sur le seuil minimal de 90 % de principe actif de la Food and drug administration (FDA) américaine, plus souple que notre Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui fixe un seuil de 95 %. « La durée de vie correspond davantage à un choix économique que technique », conclut « Que Choisir », dans un contexte de ruptures de stock croissantes (près de 5 000 en 2023, selon l’ANSM) et de gaspillage constant (autour de 9 500 tonnes de médicaments récupérés par Cyclamed en 2022). Mais dans son article, « Que Choisir » n’évoque pas la sécurité du médicament.
Les dates de péremption sont déterminées par les études de stabilité réalisées par les industriels. « Si on teste après cette période, le produit ne s’est généralement pas dégradé s’il a été conservé à température modérée, sans humidité, à l’abri de la lumière et dans son emballage », surtout pour les formes solides qui sont plus stables que les formes liquides, explique le Pr Mathieu Molimard, pharmacologue au CHU de Bordeaux. Cependant, en cas de dégradation du produit, « le premier risque est la perte d’efficacité, mais cela se produit souvent bien après la date de péremption testée », poursuit-il. Reste que si la perte d’efficacité n’est généralement pas grave pour des médicaments comme le paracétamol ou l’ibuprofène, elle peut être dangereuse dans un traitement d’urgence telle que l’administration d’adrénaline en cas de réactions allergiques aiguës graves. Il faut aussi tenir compte d’un risque infectieux, comme pour les collyres pour lesquels la stérilité n’est plus garantie au-delà de la date de péremption.
Quid des produits de dégradation ?
Thierry Hulot, président du Leem (Les Entreprises du médicament), met aussi son bémol : « Il faut être sûr que la part de produits dégradée ne soit pas une impureté qui potentiellement serait cancérigène, etc. Si une date de péremption a été mise, ce n’est pas parce qu’obligatoirement tout le principe actif a disparu. » « Si le médicament perd de son principe actif, on n'est pas spécialement amené à craindre des dangers de la part de la partie dégradée, car généralement cette partie dégradée se transforme en principes inactifs, rarement toxiques », explique le Pr Jean-Louis Montastruc, pharmacologue au CHU de Toulouse. Pour Mathieu Molimard, « le risque toxique lié à des produits de dégradation est rare pour les poudres, mais ne peut pas être exclu. Le seul exemple connu est celui des tétracyclines périmées qui peuvent causer une insuffisance rénale, mais cette formulation n’existe plus. »
« Que Choisir » a le mérite de poser une bonne question. Inciter fortement les industriels à réaliser d’autres études de stabilité afin de repousser les durées de conservation, notamment en prévision des ruptures et pour les médicaments essentiels peut être une réponse. « C’est là encore basé sur la preuve scientifique, mais nous sommes tout à fait partants pour avoir ce débat », n’hésite pas Thierry Hulot.
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