C’est avec une courte vidéo diffusée au milieu de son discours qu’Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, a choisi le thème de la déontologie. Et d'égratigner certains de ses confrères. Photos à l’appui, la séquence n’a pas été tendre avec « ceux qui jouent aux épiciers et se discréditent », agissant « tel un virus » et « contaminant les pharmaciens autour d’eux », et jettent l’opprobre sur l’ensemble de la profession. Or l’officine est, de par sa proximité avec les concitoyens, la vitrine de tous les métiers de la pharmacie. Sous les applaudissements d’une salle de 1 200 invités, la présidente a poursuivi en fustigeant « les industriels qui ont leur part de responsabilité lorsqu’ils entretiennent la confusion pour surfer sur la vague consumériste ».
Attachée à une pratique irréprochable guidée par l’intérêt général et la sécurité sanitaire de tous, Isabelle Adenot rappelle que le médicament n’est pas un produit comme les autres, et l’officine pas un commerce comme les autres : « ce n’est pas qu’un slogan, c’est une réalité vitale. Les frontières entre médicament, dispositif médical, complément alimentaire et aliment doivent impérativement rester claires. C’est une question de morale autant que d’intérêt, il y va de la santé des patients et de la santé de nos métiers ». Des propos virulents qui n’ont pas échappé à Marisol Touraine. La ministre de la Santé a salué « ce combat personnel de l’Ordre pour mettre en avant la spécificité professionnelle des pharmaciens » contre ces officines qui « donnent le sentiment d’être davantage attachées à la vente de produits qui n’ont pas grand-chose à voir avec la pharmacie ». Une « spécificité » à laquelle la ministre est attachée. « C’est pourquoi je suis et je reste opposée à la vente de médicaments en moyenne et grande surface, et à une libéralisation excessive de leur vente sur Internet, qu’il est indispensable d’encadrer au nom de la sécurité sanitaire ».
Le prix des réformes
Une prudence d’autant plus nécessaire que la profession rencontre déjà des difficultés qu’il n’est pas besoin d’amplifier. Les confrères continuent d'avancer bien qu’ils soient « en souffrance parce qu’ils paient cher, voire très cher pour certains, le prix des réformes en cours », précise ainsi Isabelle Adenot. Et cela joue sur l’investissement des jeunes. « En fin de première année d’études, parmi les quatre professions de santé, ceux qui choisissent pharmacie le font par défaut. En quatrième année, 30 % des étudiants choisissent l’officine là où ils étaient 70 % il y a dix ans, et un sur quatre n’exercera pas le métier pour lequel il a été formé », souligne la présidente de l’Ordre. Un signe qui ne trompe pas sur les doutes de la nouvelle génération confrontée à un taux de chômage en hausse et à une inadéquation entre les compétences du pharmacien et la réalité de l’exercice.
Évoquant les nouvelles missions, Isabelle Adenot n’hésite pas à pointer du doigt ceux qui reprochent aux pharmaciens de s'attaquer « à des citadelles ». Pour elle, il s'agit là de « polémiques de périmètres injustes et contraires à l’intérêt général ».
Quoi qu'il en soit, les évolutions de la profession sont nombreuses et se poursuivent. Les officinaux devraient prochainement développer la conciliation médicamenteuse, expérimenter la vaccination contre la grippe, disposer d'une nouvelle convention pharmaceutique, bénéficier d’une réglementation facilitant les transferts et regroupements… Un dynamisme à mettre en avant auprès des jeunes générations. La très bonne notoriété du pharmacien auprès du grand public doit aussi être un élément porteur de vocations. Tout comme la volonté politique doit permettre aux pharmaciens de développer des services « avec des modèles économiques adaptés, comprenant toujours plus d’innovation et de sécurité, une formation sans faille et un strict respect de l’indépendance professionnelle », souhaite Isabelle Adenot. Une indépendance professionnelle qui a pris une importance centrale dans le code de déontologie révisé par l’Ordre des pharmaciens et envoyé à la ministre de la Santé.
Bonnes pratiques de distribution
Cet ensemble d’interrogations et d’inquiétudes, « je ne les nie pas, je les entends et je les comprends parfois », a répondu Marisol Touraine. « Mais il est nécessaire de les situer dans la transformation spectaculaire de notre système de santé observée depuis quelques années et qui va se poursuivre. » La ministre de la Santé insiste sur la forte confiance des Français à l'égard de leur pharmacien et sur la nécessité de continuer à défendre l’une des forces de la France en matière de sécurité sanitaire : le maillage officinal, et donc la proximité du pharmacien et ses conseils. Cette relation de confiance sera renforcée prochainement avec la parution annoncée de l’arrêté relatif aux bonnes pratiques de distribution. « Le projet d’arrêté a été notifié à la Commission européenne qui l’a renvoyé sans remarque ni objection. Je vais donc pouvoir le signer très prochainement », annonce la ministre. Le texte, attendu depuis févier 2007, a fait l’objet d’un recours au Conseil d’État en juin dernier par l’Ordre, qui a su se faire entendre. « Les pharmaciens adopteront les bonnes pratiques de distribution sur Internet et dans leur officine de briques et de mortier dès parution de cet arrêté », promet Isabelle Adenot, qui ajoute : « L’officine ne pouvait continuer à être le seul métier pharmaceutique à ne pas disposer, pour l’ensemble de son exercice, de tels standards. »
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