C’est une première pour l’ANSM. Elle inaugure la possibilité, jusqu’alors inexploitée, de procéder à la sortie de spécialités de la liste du libre accès à son initiative. L’agence a pris la décision de retirer l’ensemble des spécialités contenant du paracétamol, de l’ibuprofène, de l’aspirine ou de l’alpha-amylase de la liste des médicaments pouvant être présentés en libre accès. Deux mesures qui seront effectives dans la deuxième quinzaine de janvier 2020. « Nous souhaitons offrir aux patients des produits de santé, y compris ceux qui ne nécessitent pas de prescription médicale, dans un environnement le plus sécurisé possible. C’est pour cette raison, dans le cadre de l’offre antalgique, que nous avons récemment décidé de renforcer la communication : par le biais de l’étiquetage pour le paracétamol qui doit faire figurer le risque de surdosage d’ici au printemps 2020, et par une mise en garde des professionnels de santé et des patients pour certains AINS en cas d’usage lors d’une infection », explique au « Quotidien » le Dr Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale adjointe de l’ANSM.
Un renforcement de la communication qui s’appuie sur le pharmacien car « c’est un acteur de santé de premier plan, vecteur et expert du médicament, qui accueille des millions de Français quotidiennement dans des officines dont la porte est toujours ouverte et dont le maillage territorial est précieux ». Son rôle est d’autant plus important pour le paracétamol que la molécule est « dans tous les foyers, utilisée à tous les âges de la vie, en traitement aigu ou chronique, sur prescription ou sur le conseil du pharmacien » et présente donc un risque de banalisation important.
Éviter le relistage
C’est donc aussi une manière de « débanaliser » ces médicaments qui ne sont pas anodins. « Quand le médicament est derrière le comptoir, cela renforce la conviction que ce n’est pas un produit comme les autres », ajoute le Dr Christelle Ratignier-Carbonneil, qui souligne que la décision de l’ANSM ne repose pas sur des données qui auraient objectivé des effets indésirables liés à la mise à disposition de ces molécules en accès direct, « auquel cas nous serions immédiatement intervenus ». Le but est de redonner à ces produits de santé « leur place de médicaments à utiliser à bon escient et avec les conseils avisés d’un professionnel de santé ». Collant à la « dynamique du plan santé 2022 qui fait du pharmacien un professionnel de santé de premier recours », l’ANSM affirme ainsi sa volonté de s’appuyer sur les confrères pour diffuser l’information concernant les médicaments aux patients. Ce qui la conduit à rappeler que « les médicaments ont vocation à se trouver uniquement à l’officine et nulle part ailleurs ».
L’objectif poursuivi est applaudi par les représentants des pharmaciens, désormais associés pour avis aux procédures de l’ANSM les impactant directement. « Nous accompagnons toujours les autorités de santé dans leurs décisions de renforcer la sécurité du médicament et des patients », commente Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). À l’époque de la mise en œuvre du libre accès, en juin 2008, la FSPF s’était montrée réservée quant à cette mesure et avait travaillé de concert pour garantir un maximum de garde-fous. « Avec le temps, on a vu apparaître, à l’initiative d’industriels ou de certains confrères, des pratiques incompatibles avec le statut de médicament des produits en libre accès : meuble de libre-service, promotions, tête de gondole de médicaments. Or le sujet du paracétamol est sensible et si on veut éviter un relistage, ce à quoi la FSPF est fortement opposée, il est temps de mettre des limites. De manière générale, la FSPF est favorable à toutes les mesures qui aident le pharmacien à remplir son rôle. »
Raison d’exister
Même son de cloche à l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), qui salue les décisions « courageuses » de l’ANSM et se réjouit de voir disparaître certaines dérives telles que la « pyramide de paracétamol au milieu de la pharmacie ». « L’USPO défend depuis des années un parcours de soins en opposition avec un parcours de consommation », rappelle son président Gilles Bonnefond. Un engagement largement partagé. Selon les résultats d’une enquête menée sur le site du « Quotidien du pharmacien » en octobre, près de 84 % des 600 répondants se disent favorables au retrait du paracétamol et des AINS du libre accès.
Ces deux procédures ouvrent-elles la voie à d’autres sorties du libre accès à l’initiative de l’ANSM ? « Nous n’avons évidemment pas de to do list ou d’objectifs quantitatifs à atteindre, nous cherchons à apporter le meilleur service au patient dans toutes les dimensions », indique le Dr Christelle Ratignier-Carbonneil. De son côté, Philippe Besset ne voit pas dans ces deux décisions une volonté de tuer le libre accès. « Les données, notamment scientifiques, sont vivantes, le bénéfice-risque évolue en fonction de nos connaissances, la liste du libre accès est donc appelée à se modifier : des médicaments vont y entrer, d’autres en sortiront. » En attendant, le retour derrière le comptoir de l’offre antalgique et des spécialités à base d’alpha-amylase coûtera aux pharmacies dotées d'un rayon libre accès une bonne journée de travail. « J'ai réalisé cette opération et cela demande une réorganisation complète du rayon libre accès et des linéaires derrière le comptoir, note Philippe Besset. En outre, certains laboratoires ont développé des présentations non remboursées spécialement pour le rayon libre accès, cela pose la question de ce que les pharmaciens vont faire de ces boîtes car elles n’ont plus de raison d’exister. »
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