LE PROTOCOLE D’ACCORD signé début janvier entre l’Assurance-maladie et deux syndicats – la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union syndicale des pharmaciens d’officine (USPO) – prévoyait bien que la fixation du taux de remises sur les génériques devait être un préalable à la réforme sur la rémunération. Réforme qui, elle-même, doit être validée d’ici au 31 mars. Il était donc urgent de terminer la consultation des syndicats sur le sujet, ce qui est chose faite depuis vendredi dernier, avec la rencontre du troisième organisme représentatif, l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), non-signataire du protocole d’accord.
Seul point commun aux trois syndicats d’officinaux : ils souhaitent que le taux de remises sur les génériques soit le plus élevé possible, soit à 50 %*. Philippe Gaertner, président de la FSPF, explique que c’est une nécessité « pour compenser la disparition annoncée des contrats de coopération commerciale dont les pharmaciens tirent près d’un tiers de leurs revenus » et demande également de « transformer ces ressources en honoraires conventionnels dès que la réforme du mode de rémunération le permettra ». Gilles Bonnefond, président de l’USPO et second signataire du protocole d’accord, rappelle que son paraphe ne valide aucunement la réforme de la rémunération, mais que c’était le seul moyen de continuer à participer aux négociations concernant les génériques et les nouvelles missions. Il espère lui aussi un taux de remises le plus élevé possible et rappelle d’ailleurs que son syndicat avait demandé un déplafonnement total, option qui n’a pas été retenue par le gouvernement. « Si le taux est inférieur à 50 %, détaille Gilles Bonnefond, les pharmaciens vont perdre de l’économie. S’il est de 35 %, comme on a pu l’entendre, les officinaux perdraient 10 points de remises par rapport à aujourd’hui. »
Michel Caillaud, conseiller chargé de l’économie à l’UNPF, milite lui aussi pour un taux de remises de 50 % mais craint que les autorités n’appliquent cette mesure qu’une année, pour mieux descendre drastiquement ce taux les années suivantes. Pour parer cette éventualité, l’UNPF propose un honoraire à l’ordonnance à partir des bénéfices liés aux prestations sur les génériques. « Les laboratoires ont déjà commencé à baisser le taux de remises de certains produits de 17 % à 2,5 %. Rien n’empêche ensuite le gouvernement de basculer vers un système de claw back avec une prestation versée par les officines comme cela se pratique en Grande-Bretagne. Enfin, on laisse au Comité économique des produits de santé (CEPS) le soin de baisser les prix des médicaments princeps et génériques. Que vaut l’application d’une remise de 50 % sur un produit dont le prix fabriquant hors taxe (PFHT) baisse de 30 ou 40 % ? »
Un schéma critiqué.
L’UNPF est particulièrement critique sur l’ensemble de la réforme de la rémunération, qu’elle juge « mauvaise » pour plusieurs raisons et en premier lieu parce que l’honoraire à la boîte « ne déconnecte la rémunération ni des volumes, ni des prix ». La décroissance de ces deux facteurs impactera toujours les revenus du pharmacien, tout comme les déremboursements. « Seul l’honoraire à l’ordonnance aurait pu apporter quelque chose car le nombre de prescriptions reste constant », précise Michel Caillaud. Gilles Bonnefond exprime lui aussi son profond désaccord concernant l’honoraire de 1 euro à la boîte, qui « aggrave la baisse de prix de tous les médicaments de plus de 1,91 euro ». Il émet ainsi des réserves concernant les paramètres de la nouvelle marge. Il espère qu’il ne s’agit là que d’une hypothèse de travail modifiable. Quoi qu’il en soit, il ne signera pas « l’avenant à la rémunération en l’état ». Dans le schéma actuel, « on concentre l’augmentation de la marge sur les médicaments dont le PFHT est inférieur à 1,81 euro, tandis que la marge baisse pour tous les autres produits. En clair, on prend de la marge sur 89 % des spécialités pour augmenter celle des 11 % restant. La revalorisation porte principalement sur le paracétamol, l’homéopathie et les hypnotiques. C’est risqué ! »
Variable d’ajustement.
Globalement, le fait de passer 47 % de la rémunération du pharmacien à l’honoraire d’emblée effraie l’USPO qui précise en sus que cette part est confiée à l’Assurance-maladie. Michel Caillaud n’est pas plus confiant et rappelle que la convention pharmaceutique signée en 2012 prévoyait un passage progressif à l’honoraire qui commençait à 25 % de la rémunération totale. « Nous aurions même préféré que cela se fasse en deux étapes de 12,5 % chacune. Ce taux de 47 % est dangereux. Les pharmacies qui vont baisser le rideau à cause de ce changement brutal ne sont peut-être pas celles des officines que les pouvoirs publics veulent voir disparaître. On joue avec le feu. La pharmacie emploie 124 000 personnes, avec les titulaires on monte à 150 000. Des gens vivent de l’officine et il n’y a rien de honteux à cela, il faut donc cesser de considérer l’économie de santé comme une variable d’ajustement. »
Les autres items contenus dans le protocole d’accord avec l’Assurance-maladie ne semblent pas poser de problème, que ce soit le développement de nouvelles missions portant sur l’asthme et les traitements substitutifs aux opiacés, l’objectif de substitution fixé à 85 % pour 2014 ou la consolidation de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) pour 2015. Les syndicats attendent néanmoins la fixation des dispositions réglementaires concernant le taux de prise en charge par l’Assurance-maladie de l’honoraire de dispensation, des nouveaux paramètres de la marge commerciale appliquée à chaque boîte de médicament (y compris les remboursables non prescrits) et des aspects fiscaux (TVA applicable aux honoraires de dispensation notamment). Surtout, les syndicats aimeraient voir rapidement paraître l’arrêté ministériel qui fixera le taux de remises sur les génériques. D’autant que d’autres sujets se profilent à l’horizon, comme la suppression de la vignette ou la dispensation à l’unité des antibiotiques.
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