« La conclusion des accords d’entreprise est encouragée et devient accessible à toutes les entreprises, y compris celles qui n’ont pas de salariés syndiqués ou mandatés. Ce qui est le cas de la majorité des officines » introduit Philippe Denry, président de la commission des relations sociales et de la formation professionnelle de la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France). Cette mesure phare de la réforme confère aux TPE et PME une marge de manœuvre inédite et bouscule le poids des normes puisqu’un accord d’entreprise peut déroger à une disposition conventionnelle en étant moins avantageux. Cette inversion de la hiérarchie des normes, issue de l’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective, confirme la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche.
Mais quel est l’intérêt de diminuer un avantage conventionnel ? « Permettre au titulaire de négocier dans son officine un accord, notamment lorsque l’entreprise est confrontée à des difficultés économiques qui la mettent sous pression » explique Philippe Denry. Plutôt qu’une radicale suppression de postes, l’accord d’entreprise devient un levier que le titulaire peut actionner parmi d’autres mesures de sauvetage. À condition de consulter les salariés par référendum adopté à la majorité des deux tiers. Par exemple, en matière d’heures supplémentaires, un accord d’entreprise peut abaisser jusqu’à 10 % le taux de majoration afin de l’aligner sur le strict minimum légal au lieu d’appliquer les taux conventionnels plus favorables actuellement fixés à 25 % de la 36e à la 43e heure incluse, et 50 % au-delà de la 43e heure. « Les accords d’entreprise introduisent une souplesse qui était auparavant réservée aux grosses entreprises » précise Philippe Denry. Mais attention, tout n’est pas révisable à la baisse ! « Seuls les domaines non réservés à la primauté de la branche sont ouverts à la négociation sur le terrain » souligne le représentant de la FSPF. Certains sujets – tels que les salaires minima, la classification des emplois, les coefficients hiérarchiques, la prévoyance, les garanties collectives complémentaires, la formation professionnelle – sont intouchables au niveau de l’entreprise. Dans ces domaines, la branche reste prioritaire et peut ainsi verrouiller un socle commun. « Pour une bonne lisibilité des rapports sociaux, il est souhaitable que les partenaires sociaux fixent un cadre général sur certaines problématiques afin d’éviter des dérives et une vaste cacophonie » met en garde Daniel Burlet en charge des relations sociales à l’USPO (Union des syndicats des pharmaciens d’officine) et ajoute « l’accord d’entreprise est destiné à régler des problèmes pratiques de fonctionnement ».
Si les organisations patronales sont satisfaites, les syndicats de salariés manifestent leur inquiétude. Ils craignent un affaiblissement du dialogue social en plaçant les salariés face à des négociations forcées. Parce que le rapport d’autorité, entre l’employeur et les salariés, porte naturellement entrave à une discussion équilibrée. « En effet, le négociateur n’est jamais aussi fragile que lorsqu’il négocie avec son propre employeur, pour des raisons évidentes et inhérentes au lien de subordination, en dépit d’une prétendue protection qui n’existe que dans les textes » déplore Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral de FO-Pharmacie. Plutôt que de déroger à des dispositions conventionnelles, Olivier Clarhaut défend la sécurisation de la convention collective pour « éviter une concurrence sauvage entre officines induite par un dumping social débridé. La stabilité sociale du réseau est mutuellement profitable alors que tout le monde sera perdant dans l’instauration de la loi de la jungle ». La réforme, à l’épreuve du terrain, le dira !
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