Les attaques contre les piliers de l’officine ne s’arrêtent jamais. Et ce sont toujours les mêmes à la manœuvre. À commencer par l’Autorité de la concurrence qui s’est, à la fin de l’année dernière, à nouveau saisie pour lancer une vaste enquête dans les secteurs du médicament et de la biologie médicale (voir ci-dessous).
Son rapport est attendu pour la fin de l'année, mais déjà ses conclusions ne font de doute pour personne. « L’objectif de cette enquête est de prouver que la dérégulation est absolument nécessaire », déplorait, il y a quelques mois, le président de l’Association de pharmacie rurale (APR), Albin Dumas, après avoir été auditionné par les inspecteurs (« le Quotidien » du 12 avril). L’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) ne se fait pas non plus d’illusion. « Les conclusions devraient suivre les grandes lignes du rapport de la Cour des comptes », augure son président, Laurent Filoche. Dès le mois de février dernier, l’UDGPO a d’ailleurs décidé d’alerter les parlementaires et le grand public sur les risques liés à la vente de médicaments hors des pharmacies (notre édition du 5 février). Levant tout mystère, la présidente de l’Autorité de la concurrence, Isabelle de Silva, explique sur le site Internet du magazine « Capital » que des recommandations seront publiées d’ici à janvier prochain, pour l’ouverture du monopole des pharmacies.
Un choix de société
Quand on parle d’autoriser la vente de médicaments hors des pharmacies, Michel-Edouard Leclerc n’est jamais non plus très loin. Interrogé la semaine dernière sur la fin du monopole pharmaceutique dans un reportage du 19/20 de France 3, le P-DG des enseignes E.Leclerc assure pouvoir vendre des spécialités pharmaceutiques à des prix 10 à 15 % moins élevés qu’en officine. « Acheter des médicaments moins chers, cela se négocie auprès des laboratoires, lance-t-il. Ce ne sont pas des médecins, les labos, ce sont des marchands ! »
Finalement, « il n’y a rien de neuf », observe Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), rappelant que « Leclerc, cela fait 30 ans qu’il bataille pour cela ! ». Quant à la présidente de l’Autorité de la concurrence, « elle considère qu’il y a eu un changement de gouvernement, et comme il y a trois ans et demi son organisme n’a pas eu gain de cause, elle revient aujourd’hui à la charge ». Mais attention, prévient Philippe Gaertner, l'ouverture du monopole « est un véritable choix de société ». Et d'insister sur le fait que, grâce à sa chaîne de distribution pharmaceutique, la France est l’un des seuls pays au monde à être préservé de la contrefaçon.
La GMS disqualifiée
De son côté, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) juge que la grande distribution « n’est plus crédible » lorsqu'elle réclame de vendre des spécialités pharmaceutiques. Pour son président, Gilles Bonnefond, le « scandale Lactalis aurait dû calmer les ardeurs de Michel-Edouard Leclerc et de ses lobbyistes ; pourtant, il n’en est rien. Malgré les failles de la grande distribution dans cette affaire, MEL s’obstine à vouloir demander sans vergogne la vente des médicaments dans ses supermarchés ». Rappelant que le médicament, même de prescription médicale facultative, ne sera jamais un produit de consommation comme les autres, le président de l’USPO souligne que le discours de la grande distribution n’est pas en phase avec la politique de sécurité autour du médicament et de la stratégie de transformation du système de santé qui s’appuient sur le réseau pharmaceutique. « M. Leclerc doit arrêter de se prendre à la fois pour le président de la République, le ministre de l’Économie, le ministre de la Santé, le Directeur de la DGCCRF ou le président de l’Autorité de la concurrence, lance Gilles Bonnefond. Ce Monsieur est définitivement disqualifié pour parler de santé ! »
« La meilleure réponse que l’on ait à donner à ceux qui s'en prennent à notre réseau, est de bien s’occuper de nos patients, à la fois dans le conseil et l’ordonnance », estime pour sa part Philippe Gaertner, qui demande à ses confrères d’être vigilants et performants dans la prise en charge des malades au comptoir et de leur proposer des entretiens et des bilans de médication. Toutefois, le président de la FSPF se veut rassurant : « Aujourd’hui, le ministère de la Santé nous dit que la remise en cause du monopole n'est pas d'actualité, et je n’ai pas de raison de mettre cette parole en doute. » Il ajoute : « Ce n’est pas pour nous faire plaisir, c’est parce qu’il considère que c’est de cette manière que la santé publique sera le mieux préservée. » Entre les coups de butoir renouvelés de la GMS et une ministre qui rassure, les pharmaciens ont tout intérêt à rester vigilants.
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