Se former en interprofessionnalité, participer à des réunions avec des médecins, infirmières, kinés, podologues, orthophonistes, etc., discuter de cas complexe, partager ses données informatiques pour mieux anticiper la préparation de l’ordonnance ou informer d’une non-observance… Toutes ces tâches et bien d’autres sont facilitées lorsqu’elles sont réalisées dans le cadre d’une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), des structures qui permettent à des professionnels de santé de travailler ensemble et d’améliorer l’accès aux soins pour la population.
Si les MSP, mono-sites ou multi-sites, ne sont pas majoritaires sur le territoire, elles se développent doucement, sous l’impulsion des agences régionales de santé (ARS). Ainsi, en 2017, on dénombre 1 031 maisons de santé sur le territoire français (dont 55 % ont signé un accord conventionnel interprofessionnel - ACI) et 337 en projet, selon les données dévoilées lors des 7es Journées nationales de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS), qui se sont tenues les 9 et 10 mars à Nantes.
Et, bonne nouvelle pour la profession, la place du pharmacien tend à augmenter dans ce type de structure. Déjà, on compte par MSP, en moyenne : 5 médecins, 2 ou 3 pharmaciens et une dizaine de paramédicaux.
Outre ces données chiffrées, on constate que les médecins ne sont plus les seuls à monter des projets de MSP. « Les pharmaciens, les kinésithérapeutes ou les infirmiers sont de plus en plus porteurs de projet de MSP. Ils tendent à remplacer petit à petit les médecins qui ont été les premiers à mettre en place ces structures de soins », évoque Brigitte Bouzige, vice-présidente de la Fédération française des maisons et des pôles de santé (FFMPS), et titulaire aux Salles-du-Gardon (Gard).
C’est ainsi le cas d’Eric Ruspini, titulaire à Gerbéviller (Meurthe-et-Moselle), qui n’a pas hésité à réunir les professionnels de santé de son village, afin d’envisager la création d’une MSP pour améliorer la prise en charge des patients et se donner les moyens d’éviter une désertification médicale. « J’exerce dans un village doté de 3 médecins qui seront presque tous à la retraite dans 4 ou 5 ans. Pour ces raisons, tout le monde s’est déclaré favorable à la création d’une MSP », témoigne Eric Ruspini. Aujourd’hui, le projet est en cours… Avec le pharmacien comme coordonnateur.
Organiser une soirée
Toutefois, créer une MSP n’est pas si facile. En premier lieu, il importe savoir si les professionnels de santé de la zone concernée sont partants pour une telle aventure. Tout projet de MSP doit être issu de la volonté des professionnels de santé, sans quoi il est voué à l’échec. Tout commence donc, bien souvent, par l’organisation d’une soirée. « Il s’agit de rassembler, de façon conviviale, le maximum de professionnels de santé de son bassin de vie. Pour cela, on peut faire appel à la mairie, qui est d’une aide précieuse pour organiser cette rencontre », évoque Brigitte Bouzige.
Pour aider les acteurs du projet dans leurs démarches, il est possible de se faire aider par un facilitateur régional de la FFMPS. Toutes les régions sont pourvues de ces facilitateurs. Leur intervention est gratuite. Ils viennent évaluer la faisabilité du projet, mettre en contact avec les ARS, etc. « Dans certaines régions, d’autres structures peuvent aider, comme GECO LIB en Bretagne, association qui vient soutenir les groupes pour l’exercice coordonné », avance Hervé Breteau, titulaire à Saint-Brice-en-Coglès et membre du pôle de santé du Coglais (Ille-et-Vilaine).
Pour aller plus loin, certaines MSP peuvent signer un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) avec l’assurance-maladie, qui permet le versement d’une rémunération conventionnelle aux structures remplissant certaines conditions relatives à l'accès aux soins, au travail en équipe et à l’utilisation d’un système informationnel partagé.
Relations de confiance
Une fois la structure opérationnelle, les avantages sont nombreux. « En tant que pharmacien, nous avons beaucoup gagné à intégrer la MSP », déclare Hervé Breteau. Déjà, les relations entre professionnels sont devenues très fluides. Par exemple, le pharmacien breton se souvient avoir éprouvé des difficultés à communiquer avec quatre des six médecins de sa zone. « Faire partie de la MSP a transformé nos relations et désormais, nous n’avons plus d’appréhension pour téléphoner aux médecins qui ne considèrent plus nos coups de fils comme un reproche ou une intrusion dans leur travail. Nous avons tissé des relations de confiance. » Même constat pour Florence Prévot, titulaire à Bergerac et membre du Pôle de santé de Bergerac (Dordogne). « Le pôle nous a permis de mieux connaître tous les professionnels de santé, les médecins, mais aussi les infirmières, les kinés, les podologues et d’autres professionnels que nous n’étions pas forcément enclins à côtoyer, évoque-t-elle. De plus, nous avons mis en ligne un annuaire regroupant les téléphones fixes, portables, ainsi que les mails de tous les membres de la MSP. C’est très utile ! »
Le logiciel partagé est d’ailleurs un point d’importance au sein de la MSP, car il est l’outil qui relie tous les professionnels de santé les uns aux autres. « Cela permet de repérer un patient non-observant, de préparer en avance les ordonnances et de dégager du temps pour pouvoir réaliser une dispensation pharmaceutique commentée », évoque Antoine Prioux, titulaire à Bugeat (Limousin) et coordonnateur de la SISA des Millesoins. « Je peux également prendre un rendez-vous pour mon patient chez le médecin, par exemple lorsque son ordonnance arrive en fin de renouvellement. »
Autre avantage : une MSP, notamment en zone sous-dotée en médecins, permet d’attirer de jeunes praticiens qui ne souhaitent plus travailler de façon isolée. « Depuis la création de la MSP, deux médecins se sont installés, alors que nous sommes dans une zone très rurale. Nous les avions accueillis dans le cadre de stages de médecine générale », illustre Antoine Prioux.
Missions de santé facilitées
Les MSP permettent également à ses adhérents de mettre en place de nombreuses activités ou projets de santé, allant du protocole de soins personnalisé pour des personnes en difficulté à la télémédecine, en passant par des ateliers diététiques, des cafés santé pour la population… De plus, les membres se réunissent régulièrement pour aborder la prise en charge de cas complexes, suivre des formations… « Entre 30 et 40 professionnels de santé sont présents à ces réunions mensuelles, qui sont rémunérées une vingtaine d’euros », indique Hervé Breteau.
Plus spécifiquement, appartenir à une MSP permet au pharmacien de mener plus aisément de nouvelles missions, comme les entretiens pharmaceutiques ou les bilans de médication. Il est plus facile de les mettre en place au sein d’une structure et le partage avec les autres professionnels de santé en accroît l’intérêt.
Enfin, Les MSP sont une opportunité pour développer le maintien à domicile (MAD) ou la préparation des doses à administrer (PDA). Bien souvent, le rôle du pharmacien dans ces domaines est reconnu dans le cadre d’une MSP et le recours aux prestataires extérieurs est moindre.
Toutefois, la mise en place de ces projets demande du temps, et certains professionnels rechignent à s’engager outre mesure. Ainsi, un titulaire avoue avoir refusé de participer à des projets trop chronophages. D’où l’intérêt de recruter, pour certaines MSP, des coordonnateurs rémunérés via les ACI.
La SISA toujours problématique
Enfin, il persiste encore une problématique sur le statut juridique de la Société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA). En effet, les MSP se structurent en SISA pour pouvoir percevoir la rémunération des actes de coordination des professionnels de santé (ACI). Mais ces SISA posent problème dès lors qu’il y a achat de matériels soumis à la TVA, ce qui incite certains professionnels de santé à écarter les pharmaciens de ce type de structure juridique. Pourtant, nul besoin de rejeter le pharmacien de la SISA tant que les rémunérations ne sont pas utilisées pour acheter du matériel. Par ailleurs, le pharmacien peut aussi faire partie de la MSP tout en n’étant pas membre de la SISA. Pour cela, il faut seulement qu’il soit signataire du projet de santé. Il pourra participer aux projets de la MSP et être rémunéré pour les actions réalisées (réunions de coordination, etc.) au même titre que les autres professionnels de santé. « Néanmoins, ce statut de la SISA, qui manque de clarté, doit évoluer à terme », affirme Brigitte Bouzige.
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