Mettre de nouveaux médicaments sur le marché alors que leurs effets bénéfiques et nocifs sont encore peu connus n’est-il pas dangereux pour la santé des malades ? C’est l’un des dilemmes soulevés lors des Rencontres-débats Prescrire 2024. Pour Charlotte Roffiaen, consultante pour l’association Ensemble leucémie lymphomes espoir (ELLyE), les études cliniques actuelles échouent sur un point : « L’impact sur la qualité de vie des patients est un critère rarement pris en compte. Or c’est pour eux un aspect aussi important que la capacité du médicament à les guérir ou à assurer leur survie. Même si d’éventuelles conséquences néfastes sont ensuite exposées, il faut souvent attendre un certain nombre de morts pour que le retrait du médicament du marché soit envisagé ! ».
Selon Florian Naudet, professeur de thérapeutique à l'Université de Rennes 1, « Il faudrait décider en amont avec les associations de patients du niveau de preuve qu’on attend de l’essai clinique ainsi que des bénéfices escomptés ». Mais sans pour autant se précipiter. Le professeur cite comme exemple les produits ayant reçu le statut « PRIME » de l'Agence européenne du médicament (EMA) ou son équivalent « Breakthrough Therapy » aux États-Unis, qui accélèrent leur processus d'approbation. « Les effets sont mesurés à 4 semaines au lieu de 8 par exemple. On réduit le délai d’évaluation pour des traitements dont les critères devraient être augmentés, ce qui impacte directement la mesure de l’efficacité », explique-t-il.
Un conflit éthique difficile
Étienne Lengliné, vice-président de la commission de la transparence à la Haute Autorité de santé (HAS), déplore lui aussi que de plus en plus de médicaments soient mis sur le marché directement après des essais de phase 2. « Depuis les années quatre-vingt-dix, nous sommes revenus à la présomption d’efficacité plutôt que de preuve. Vis-à-vis des malades, on atteint un conflit éthique difficile, entre le devoir déontologique de les informer sur les risques encourus et les alternatives possibles, mais au risque de les priver d’un médicament potentiellement utile », constate-t-il. Pour le médecin, s’il faut répondre aux questions que se pose la communauté médicale, « il faut impliquer les patients afin qu’ils puissent exprimer à quelle question ils attendent que la recherche réponde ». Ainsi, il serait possible de mieux définir les critères de jugement et d’inclusion du médicament développé… et donc de s’assurer qu’il correspondra bien à leurs besoins.
D’après les rencontres-débats de Prescrire le jeudi 25 janvier 2024
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