LA DÉCISION de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) de relancer le programme de tests des scanners dits corporels, après la tentative d’attentat contre un avion de Northwest, le 26 décembre, continue de défrayer la chronique, et pas seulement sur le terrain du respect de l’intimité et des droits de l’homme. Avant le lancement d’« une phase d’évaluation et d’expériences », dès cette semaine, avec un portique installé au terminal 2E de Roissy-Charles-de-Gaulle, deux agences spécialisées viennent d’être consultées. Aucune des deux ne délivre un quitus scientifique aux autorités quant à l’innocuité des portiques.
Invitée à plancher sur le ProVision 100, un scanner corporel à ondes millimétriques, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) constate que l’exposition des personnes à ses champs électromagnétiques est « extrêmement faible » (de l’ordre de quelques dizaines, voire centaines, de microwatts par mètre carré), qu’elle est « très courte » (n’excédant pas deux secondes), qu’elle ne pénètre qu’à une profondeur très faible de l’organisme (essentiellement les tissus superficiels cutanés), bref que ses champs électromagnétiques sont « très inférieurs » aux prescriptions réglementaires en vigueur. Toutefois, souligne l’AFSSET, « les effets sanitaires de cette gamme de fréquences sont encore peu documentés » et « l’on ne peut faire aucune extrapolation à partir de données qui portent sur des densités plus élevées » (que celles générées par le ProVision 100). L’agence recommande donc de poursuivre le recueil d’informations, notamment sur les événements indésirables, de contrôler régulièrement les appareils et d’élaborer un protocole de recherche.
4,8 milliards de passagers par an.
Quant à l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), il rend sa copie sur l’évaluation du risque sanitaire des scanners corporels à rayons X « backscatter ». Comme le résume au « Quotidien » Le Pr Patrick Gourmelon, directeur de la radioprotection de l’homme, « notre avis n’est pas favorable à l’emploi de ces portiques, dès lors qu’il existe une alternative avec le scanner millimétrique, deux fois moins pénétrant dans l’organisme et, semble-t-il, tout aussi efficace que les appareils à rayons ionisants ».
Certes, analyse l’avis, « la dose délivrée lors d’un contrôle individuel est extrêmement faible, plus de mille fois inférieure à la dose annuelle résultant de l’irradiation naturelle moyenne en France, équivalente à une à deux minutes de vol à haute altitude ».
Ce risque augmente proportionnellement avec le nombre de contrôles effectués. C’est cet aspect quantitatif qui motive les recommandations de l’IRSN. La technique est potentiellement appliquée à un très grand effectif : 4,8 milliards de passagers ont transité dans les aéroports à travers le monde, dont 42 % pour des vols internationaux (statistiques Airport Council International). Autre argument invoqué, le principe de justification, qui n’est pas uniquement fonction du niveau de dose auquel peut conduire la pratique, mais qui doit d’apprécier « à partir des balances en avantages et en inconvénients entre techniques avec et sans rayonnements ionisants ».
Enfin, le code de santé publique stipule que les rayonnements ionisants ne peuvent être utilisés qu’à des fins médicales (diagnostiques ou thérapeutiques).
Sur la base de ces deux avis, le gouvernement ne devrait pas expérimenter le scanner à rayons X. Mais, s’agissant de transports internationaux, les ressortissants français peuvent être, en transit, invités à passer par de tels dispositifs, en service dans plusieurs aéroports américains, ainsi qu’au Royaume-Uni, à Manchester. « Lorsque les voyageurs ont la faculté de choisir, pour les femmes enceintes ainsi que pour les enfants en bas âge, estime alors le Pr Gourmelon, il est préférable, en application du principe de précaution, qu’ils optent pour la fouille corporelle traditionnelle. »
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