L’AFFAIRE ne pose pas un problème d’intoxication alimentaire mais de tromperie sur la marchandise. Le gouvernement a cru qu’il était en mesure de ficeler rapidement cette minicrise, notamment en retirant son agrément sanitaire à la firme Spanghero, mais ce n’est pas si simple. Spanghero, fondée par la famille de rugbymen célèbres mais vendue il y a quelques années, se considère comme un bouc émissaire et fait remarquer que 360 emplois sont menacés. Résultat : pour le moment, il n’y a pas de coupable. Ce ne serait pas Spanghero, ce n’est pas l’incroyable circuit de la viande entre la Roumanie, le Luxembourg et la France, ce n’est pas le producteur roumain, alors qui ? Les trop nombreux partenaires d’un commerce qui s’étend curieusement sur des milliers de kilomètres, comme s’il n’y avait pas en France de la viande de bonne qualité, se renvoient tous la responsabilité du scandale. C’est pourtant très clair : on a introduit de la viande de cheval dans les lasagnes, tout simplement parce qu’elle est moins chère. On a conservé néanmoins le label bœuf. Il y a une volonté de tromperie délibérée stimulée par la cupidité.
On n’assiste là qu’au début d’un crise qui sera beaucoup plus profonde, car elle contribue à abîmer l’image de l’Europe. Contrôle apparemment insuffisant des médicaments, négligences dans la filière viande, conflits diplomatiques de plus en plus vifs entre la France et le Royaume-Uni, entre la France et l’Allemagne, zone euro encore en convalescence, élargissement de l’Union trop rapide (le gouvernement français veut remettre l’adhésion de la Turquie sur la table), incapacité à créer un peu de croissance, y compris en Allemagne, les Européens en général et les Français en particulier se transforment rapidement en autant d’eurosceptiques. Ce qui ne va pas aider les négociateurs à créer l’union bancaire, fiscale et financière qui semble indispensable à la stabilité de l’UE.
Cheval et escargots.
L’horreur spécifique des Britanniques pour la boucherie chevaline le dispute à leur répugnance pour la consommation d’escargots. Ils voient déjà dans l’affaire Spanghero la preuve des sérieux vices de forme qui accompagnent la construction européenne. Ils sont confortés dans leur désir de renégocier leur appartenance à l’Union et, si le résultat de ces négociations ne les satisfait pas, d’organiser un référendum. Le dernier sommet européen n’a pourtant pas stigmatisé la Grande-Bretagne : la chancelière Angela Merkel n’est pas opposée à une négociation qui clarifierait le rôle exact de l’Europe, dont les Anglais voudraient qu’elle soit seulement une zone de libre-échange, alors qu’elle ne trouvera la salut qu’en adoptant un modèle standard budgétaire et fiscal. Soucieux de ne pas déclencher une crise, François Hollande a consenti à l’adoption d’un budget européen en baisse de quelque 60 milliards, comme si l’Union n’avait pas besoin d’une relance de la croissance, en partie grâce à l’investissement public. Or le président français, en pleine crise de la dette, se présentait comme le seul homme-lige européen de la croissance. L’été dernier, il a obtenu un engagement dans ce sens, mais par un seul euro n’a été voté pour relancer une économie européenne prodigieusement affaiblie, ici par la stagnation, là par la récession. L’Allemagne elle-même prévoit le début de cette année un recul sensible de son produit intérieur brut.
Pendant ce temps, on discute les salaires des fonctionnaires européens, qui sont fort confortables et introuvables ailleurs qu’à Bruxelles. Malheureusement, l’affaire de la viande de cheval, après d’autres, montrent que le rapport qualité-prix est extrêmement mauvais. Peut-être n’envisagerait-on pas de diminuer le nombre des fonctionnaires européens ou de baisser leurs salaires si, en contrepartie de leurs émoluments, ils nous prouvaient que, grâce à leur vigilance, les institutions, agences et réglementations européennes nous mettent à l’abri d’une très mauvaise surprise.
Chez Spanghero, 360 emplois menacés
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