En 2030, la France comptera plus de personnes âgées de plus de 65 ans que de jeunes de moins de 15 ans. Un « point de bascule », comme l'a rappelé la ministre de la Santé, qu'il faut d'ores et déjà anticiper. Un constat fait l'unanimité : les personnes âgées préfèrent être accompagnées chez elles plutôt qu'en établissement.
Si un plan d'investissement devrait être prévu pour permettre la construction de nouvelles maisons de retraite médicalisées, Agnès Buzyn a fait part de son ambition, « l'entrée en EHPAD devra devenir une exception réservée aux patients qui souffrent des pathologies les plus lourdes ». Une ambition qui passera par la préservation, le plus longtemps possible, de l'autonomie des personnes âgées. La stratégie « Vieillir en bonne santé 2020-2022 » prévoit notamment l'expérimentation dans plusieurs régions d'une démarche de détection des fragilités des séniors à domicile. Une application sera également lancée à la fin de l'année par Santé publique France pour permettre à tous les patients âgés d'au moins 40 ans d'évaluer leurs besoins et de recevoir des conseils personnalisés. Enfin et surtout, cette stratégie souhaite mobiliser le plus largement possible les acteurs de terrain. Une stratégie ambitieuse mais qui présente un gros défaut pour Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). Selon lui, le pharmacien serait en effet complètement absent. « J'ai consulté le rapport Libault qui préfigure cette loi sur le grand âge. J'y ai cherché le mot "pharmacien" mais je ne l'ai pas trouvé, affirme-t-il. Alors que le pharmacien est déjà très mobilisé contre l'iatrogénie chez la personne âgée, c'est extrêmement décevant. »
Améliorer la santé des personnes âgées en EHPAD…
Sur le terrain, les officinaux participent pourtant à des expérimentations prometteuses qui montrent à quel point ces derniers peuvent jouer un rôle important dans les domaines de la prévention, de la lutte contre l'iatrogénie et du maintien à domicile de la personne âgée. Le programme Optimed, lancé à l'initiative de l'Union régionale des professionnels de santé (URPS) Pharmaciens d'Ile-de-France a permis de mettre en lumière ce que peut apporter un pharmacien au sein d'un EHPAD. « Il y a de moins en moins de médecins traitants et le turnover chez les équipes soignantes est très important dans ces établissements, ce qui n'est pas sans conséquence sur le risque iatrogénique », explique Frédérique Poulain Bon, élue de l'URPS Pharmaciens d'Ile-de-France et pharmacienne à Meudon, dans les Hauts-de-Seine. Au-delà des questions relatives aux médicaments, « l'idée était de montrer l'appui global que pouvait offrir le pharmacien en EHPAD sur différents sujets comme l'importance de la vaccination contre la grippe ou encore la mesure de la contention », précise-t-elle. Médecins-coordinateurs, caisse primaire d'assurance-maladie, agence régionale de santé… tous les acteurs ont été réunis car l'objectif était aussi, à travers cette expérimentation, de renforcer la coopération professionnelle. « On a aussi pu mettre en place un vrai protocole concernant la rémunération du pharmacien avec une part fixe et une part variable liée à la performance. » Après l'Ile-de-France, cette expérimentation pourrait prochainement être menée au niveau national.
...mais aussi en ville
Président de l'URPS Bourgogne-Franche-Comté, Pascal Louis a conduit une expérimentation sur la préparation des doses à administrer (PDA) en ville. Si le rapport consécutif à ces travaux est en cours de rédaction, il en tire déjà quelques conclusions importantes. « Permettre à des personnes plus jeunes de pouvoir bénéficier du bilan partagé de médication est vraiment une excellente chose parce qu'on se rend compte qu'après 75 ans il est très difficile de changer les habitudes des patients sur la prise de médicaments. » Preuve du rôle important que peut avoir le pharmacien pour la santé des personnes âgées, l'expérimentation menée dans sa région a permis d'augmenter le taux d'observance de 80 %. « Il y a un vrai besoin chez les patients mais il faut veiller à bien mesurer leurs attentes. On peut penser qu'une personne âgée sera ravie si on lui prépare son semainier, mais elle peut aussi mal le vivre et pense qu'on la destitue d'une responsabilité », observe-t-il. D'où l'importance de débuter un suivi le plus tôt possible pour établir une relation de confiance avec le patient. Pour atteindre cet objectif, la proximité offerte par le pharmacien est un sérieux atout.
Un combat à mener au Parlement
Pharmacienne de profession, Martine Berthet est également sénatrice (LR) de Savoie depuis 2017. Concernant la future réforme sur le grand âge, elle se veut optimiste sur la future implication des officinaux et ne pense pas qu'ils seront les « grands oubliés » du projet. « Il y a très peu de pharmaciens sénateurs (6 au total) mais nous nous mobiliserons pour déposer des amendements, promet-elle. Les officinaux ont su gagner la confiance du gouvernement grâce au succès de certaines expérimentations, notamment les entretiens pharmaceutiques et la vaccination antigrippale. Face aux déserts médicaux, l'exécutif compte aussi beaucoup sur les pharmaciens et le maillage territorial qu'ils garantissent, tient-elle aussi à rappeler. Il faudra continuer à mettre en valeur le rôle du pharmacien dans le parcours patient, mais je suis convaincu qu'il aura les outils pour s'impliquer dans le projet Grand âge. » Si des discussions sont donc encore à venir, « il était important de donner l'alerte et de se positionner au plus tôt, estime Gilles Bonnefond qui a déjà sollicité le cabinet de la ministre. Quand on voit ce que le pharmacien a déjà prouvé sur le terrain en matière de prise en charge de la personne âgée, on mesure à quel point il est incontournable sur ce sujet. »
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