Alors que les autotests pour le Covid-19 ont fait leur apparition dans plusieurs pays européens ces dernières semaines, la question de leur arrivée en France a rapidement été posée. Le 16 mars, la Haute Autorité de santé (HAS) y a apporté une réponse, recommandant « l’utilisation de tests rapides par prélèvement nasal, en première intention directement par les usagers (autotest), et en seconde intention par les professionnels de santé (TDR et TROD) ».
Selon l’avis de la HAS, ces autotests peuvent être utiles « dans une indication sociétale ou avant une réunion avec des collègues ou des proches » même si, en cas de résultat positif, « le patient devra le confirmer par un test RT-PCR ». Pour être autorisés à la vente, les autotests devront « obtenir un marquage CE et être évalué individuellement par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) », soulignait alors la HAS, ajoutant que les fabricants devraient produire une « étude de praticabilité » prouvant que leurs tests peuvent être réalisés et interprétés sans problème par les usagers.
La DGS annonce leur arrivée en GMS
Si l’avis favorable de la HAS officialise alors la volonté de la France de s’appuyer sur les autotests, une interrogation se pose : par qui pourront-ils être vendus ? À l’heure actuelle, un décret interdit la vente d’autotests contre le Covid en France. Un texte qui devra être abrogé pour permettre leur arrivée sur le marché. Une fois cette modification législative effectuée, et dès que la liste des tests validée par l’ANSM sera connue, les pharmaciens auront de fait le droit d’en mettre en vente dans leurs officines.
Comme précisé par un autre arrêté, la commercialisation d’autotests dans notre pays relève de plus du monopole pharmaceutique. Inspiré par l’exemple allemand, où les supermarchés Lidl ou encore Aldi ont vendu des volumes considérables d’autotests contre le Covid depuis qu’ils y sont autorisés, le directeur général de la Santé (DGS) annonce toutefois clairement son intention d’autoriser la GMS française à faire de même. Sur BFM TV, le 15 mars, Jérôme Salomon explique ainsi que les autotests seront « disponibles en supermarché ou en officine » et promet même leur arrivée dans le courant de la même semaine.
Carrefour se précipite
Il n’en faut pas plus pour que la GMS s’emballe. Tous les acteurs français du secteur se positionnent et clament leur intention de proposer des autotests à leurs clients. Trop impatient, un hypermarché des Alpes-Maritimes en dispose même dans ses rayons le jour même de la prise de parole de Jérôme Salomon avant d’être épinglé par l’agence régionale de santé. C’est ensuite le groupe Carrefour qui prend les devants. Coupant l’herbe sous le pied de ses concurrents, l'enseigne informe le grand public sur la vente d’autotests dans ses parapharmacies dès le samedi 20 mars. « Les autotests nasaux bientôt disponibles dans les magasins Carrefour ! Un million de tests ont été commandés et ils commenceront à être livrés ce week-end », tweetait ainsi le géant de la GMS le 17 mars. Les ambitions de Carrefour vont toutefois être rapidement contrariées, la DGS rappelant au distributeur qu’il serait dans l’illégalité s’il décidait de vendre des autotests en l’absence des textes de loi l’y autorisant.
Les représentants des pharmaciens unis contre la GMS
Si Carrefour essuie un premier revers, la hache de guerre, elle, est bien déterrée entre la GMS et les représentants des pharmaciens. Les groupements, en premier lieu, prennent position et appellent à réserver la vente d’autotests aux professionnels de santé. « Les vendre en GMS, c’est une aberration, s’indigne Laurent Filoche, président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO). Comment assurer la traçabilité des résultats s’ils sont vendus en supermarché ? ». Une interrogation partagée par Philippe Besset. Le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) estime lui aussi que l’utilisation d’un autotest dans la sphère privée doit impérativement être accompagnée de conseils d’un professionnel de santé. « Un résultat négatif pourrait participer à une fausse réassurance de l’usager », alerte-t-il, ajoutant que la délivrance en pharmacie permettra « d’insister sur la confirmation par test PCR à réaliser en cas de positivité ».
Dans un communiqué commun, l’ensemble de la profession s’unit contre la vente d’autotests en GMS. « La HAS recommande un prélèvement nasal profond qui doit être accompagné d’une formation. La fiabilité du résultat du test dépend de la qualité de réalisation du prélèvement. Quel suivi de la pandémie peut-on espérer si la population est appelée à se tester elle-même, sans conseil d’un professionnel, sans accompagnement et sans indication de conduite à tenir en cas de résultat positif ? », questionnent la FSPF, l’USPO, mais aussi l'UDGPO, Federgy et le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP). Au vu de la situation sanitaire actuelle, la stratégie de dépistage doit être du ressort de « professionnels de santé formés et aguerris », demandent-ils de concert.
Tout reste à faire
Les inconnues sont encore nombreuses concernant le déploiement des autotests en France. Pour l’heure, la vente en pharmacie est toujours suspendue à la publication des autotests agréés par le gouvernement. « Il manque également la doctrine, précise Philippe Besset. Il faut par exemple que l’on sache s’il y a une prise en charge des autotests par l’assurance-maladie dans certains cas qui seront à préciser », ajoute le président de la FSPF. Un arrêté dérogatoire, qui autoriserait la vente d’autotests ne bénéficiant pas du marquage CE, est, lui, bien à l’étude. Une mesure déjà prise en France au moment de l’arrivée des premiers tests antigéniques et également appliquée par les pays européens, comme l’Allemagne, qui ont récemment autorisé la vente d’autotests. « L’objectif, c’est de permettre aux autotests d’arriver plus vite sur le marché, mais cette mesure ne signifie en rien que la GMS pourra les vendre », explique toutefois Gilles Bonnefond. Le président de l’USPO espère que les autorités autoriseront les pharmacies à vendre les autotests en premier, avant la GMS. Une décision qui ne serait, pour la profession, que le minimum syndical.
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