Alors que la France se félicite de la forte baisse de la prévalence des fumeurs dans le pays entre 2016 et 2017 – 1 million de fumeurs en moins – les spécialistes de cette addiction multiplient les interventions pour partager leurs connaissances et améliorer l’accompagnement des fumeurs. Le Dr Marion Adler, médecin tabacologue au service d’addictologie de l’hôpital Antoine Béclère de Clamart (AP-HP), invite tous les soignants à se lancer dans cet accompagnement au sevrage tabagique.
« Je suis favorable à tout ce qui peut aider les patients à l’arrêt du tabac, donc pour qu’un maximum de soignants puisse prescrire les substituts nicotiniques. » C’est pourquoi, à la question de savoir ce qu’elle pense du souhait des pharmaciens de pouvoir prescrire les substituts nicotiniques pour que les patients puissent bénéficier du remboursement, elle affiche une position enthousiaste. « Ce serait génial ! Je me souviens qu’on a dû se battre pour que les substituts nicotiniques soient disponibles sans ordonnance en 1997, pour qu’ils soient aussi faciles d’accès que la cigarette. Mon but c’est que les gens soient aidés et qu’ils puissent arrêter le plus facilement et le plus rapidement possible le tabac. »
Pour y parvenir, il faut un traitement adapté à chaque cas pour « sortir du tabac avec le plus de plaisir possible et le moins de souffrance possible », explique le Dr Adler. Rappelant que les craintes des patients à l’arrêt de la cigarette sont l’anxiété, la dépression et la prise de poids, la tabacologue insiste sur un sevrage sans souffrance. « Comme pour une fracture de la jambe, il faut les béquilles à la bonne taille, le plâtre, et quand l’os est consolidé, on retire le plâtre, puis les béquilles, et on passe à la rééducation. Et pour réapprendre la vie sans tabac, cela se fait pour chacun à son rythme. » Le Dr Marion Adler insiste sur le fait que l’arrêt du tabac n’est pas qu’une question de volonté et que l’addiction est particulièrement tenace. « Le tabac a le potentiel addictif le plus fort parmi l’ensemble des substances psychoactives devant l’héroïne, l’alcool et la cocaïne », souligne Marion Adler. 70 % des fumeurs réguliers interrogés ont déjà arrêté de fumer au moins une semaine. « On ne reste pas un fumeur heureux, à un moment donné on veut arrêter, et il y a des rechutes, que j’appelle des réussites différées », ajoute le Dr Adler. Car, en moyenne, les anciens fumeurs comptabilisent trois à quatre tentatives avant l’arrêt définitif.
Maladie chronique
Parmi les recommandations à tous les professionnels de santé engagés dans l’accompagnement du sevrage tabagique, le médecin tabacologue note l’importance de ne pas sous-doser l’apport nicotinique par les substituts. « Pour schématiser, on évalue au besoin d’un patch du plus fort dosage par paquet de cigarettes quotidien. » Un surdosage n’entraînera pas de lourdes conséquences, le patient se sentira comme un lendemain de soirée pendant laquelle il a fumé plus que ce que réclament ses récepteurs nicotiniques : bouche pâteuse, nausée, mal de tête… De même, le Dr Marion Adler rappelle qu’on peut fumer avec un patch, qu’il est préférable d’associer le patch à un substitut sous forme orale « pour les urgences, le moment où l’envie de cigarette réapparaît », qu’il est toujours recommandé à une femme enceinte d’arrêter de fumer, même à 8 mois de grossesse si elle n’a pas réussi à abandonner le tabac plus tôt. « Je rappelle que 100 % des femmes veulent arrêter de fumer avant de tomber enceintes, certaines n’y arrivent pas, il faut les aider et non les culpabiliser. Je rappelle aussi que le temps où les patchs n’étaient pas indiqués chez la femme enceinte est révolu, martèle le Dr Adler. Pour moi, la seule contre-indication concerne les non-fumeurs ». Le médecin s’offusque en effet de voir que les substituts sont indiqués à partir de 15 ou 18 ans. Pourtant, des jeunes en consultation, souvent pour des addictions associant tabac et cannabis, le Dr Adler en reçoit. Et si besoin leur prescrit des substituts nicotiniques. « Ne pas donner à quelqu’un des substituts nicotiniques alors qu’il en a besoin, c’est de la non-assistance à personne en danger ! »
Derniers conseils ? Baisser le dosage des substituts nicotiniques de manière très progressive et uniquement lorsque le patient est prêt, expliquer le fonctionnement des récepteurs nicotiniques qui vont se fermer au fur et à mesure, même lorsque le patient prend des substituts, mais qui se rouvriront à la première cigarette venue. « Les professionnels de santé doivent intégrer que l’addiction au tabac est une maladie chronique, les fumeurs ne sont pas les coupables mais les victimes, et ils doivent rassurer les patients : arrêter de fumer sans souffrir, oui c’est possible. »
* D’après une conférence de presse EG Labo.
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