Attendue de longue date, la prescription de traitements de substitution nicotinique (TSN) en pharmacie aux personnes qui en font la demande sera peut-être bientôt une réalité. En effet, le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a annoncé mardi 28 novembre qu'une expérimentation en ce sens serait lancée « début 2024 ». À noter que, très demandée par la profession, la prescription des TSN en officine avait déjà été votée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Il ne s'agit pas de la seule mesure concernant les officinaux, puisqu'un renforcement du dispositif d'accompagnement « Tabac info service » a également été annoncé. Ainsi, les patients fumeurs ayant engagé une démarche d’arrêt et ayant reçu des TSN, bénéficieront d'un accompagnement individualisé et systématique déclenché par le pharmacien, qui jouera alors un rôle d'orientation. La prescription à distance des TSN a aussi été évoquée comme l'un des objectifs du gouvernement.
Contactés par « Le Quotidien », les représentants de la profession se félicitent de cette avancée, mais jugent qu'il est possible d'aller encore plus loin. Ainsi, Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) déclare que « cette annonce nous satisfait, mais il est dommage de passer par une expérimentation au lieu de généraliser tout de suite. C'est mieux que rien, mais cela signifie une autre année de retard ». Quoi qu'il en soit, « cette expérimentation ne peut se faire que dans le cadre d'une prise en charge globale, avec un accompagnement et un suivi. Le but n'est pas que de vendre des TSN aux patients qui en font la demande ! », précise-t-il.
Un modèle d'expérimentation alternatif ?
Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et de l'intersyndicale Les Libéraux de santé (LDS), regrette lui aussi que le gouvernement n'ait annoncé qu'une expérimentation, et s'interroge quant au modèle choisi : « Cette expérimentation doit concerner toutes les officines. On ne peut pas faire ça dans 100 pharmacies en France, ça ne sera pas représentatif du tout, d'autant que les patients ne seront pas au courant. » Et de proposer un autre modèle : « Il faudrait lancer cette expérimentation pour le Mois sans Tabac 2024, et communiquer sur son existence auprès des patients via Tabac Info Service, ce qui la rendrait considérablement plus visible », estime-t-il.
Jean-Marc Leder, titulaire d'une officine parisienne et investi de longue date dans l’aide au sevrage tabagique, regrette, lui, qu'il ait fallu attendre tant de temps pour obtenir cette expérimentation « Nous avons, en France, l'art de faire des expérimentations pour des évidences. Le pharmacien est de loin le plus accessible et à ce titre le mieux placé pour prescrire des TSN, car il peut assurer le suivi bien plus facilement que les autres professionnels de santé », juge-t-il. Mais, prévient-il, cette expérimentation ne devra pas se faire par charité : « Nous l'avons déjà vu, si l’acte de prévention n’est pas rémunéré à sa juste valeur, quel que soit le prescripteur, médecin ou pharmacien, la motivation ne sera pas au rendez-vous. » À ses yeux, un autre instrument du sevrage tabagique a été ignoré, la cigarette électronique. « Largement prescrite par les tabacologues, elle a montré son efficacité, mais n’est toujours pas confiée au pharmacien. Les patients s’en font prescrire par le médecin et vont dans des magasins qui ne sont pas tenus par des professionnels de santé formés ! »
Avec l'aide des pharmaciens, cette expérimentation devrait aider le gouvernement à atteindre l'objectif qu'il s'est fixé : celui d'une « génération sans tabac » - moins de 5 % de prévalence de tabagisme à l’âge adulte pour la génération née en 2014 - d’ici à 2032. Pour l'heure, malgré de réels progrès, la France en est encore loin. 25 % de la population adulte française consomme du tabac.
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