Hélène Roy, titulaire à Dijon, a publié une tribune dans le journal « Le Monde » le 15 avril. Un texte soutenu par 3 500 pharmaciens, dans lequel l’officinale se fait porte-parole d’une profession qui fait face à de nombreuses difficultés et ne parvient pas à se faire entendre.
Depuis déjà longtemps, les signaux d’alerte se multiplient autour de l’avenir de la pharmacie d’officine. Pourtant, représentants syndicaux comme pharmaciens de terrain n’ont pas le sentiment d’être entendus. « Actuellement, les pouvoirs publics restent sourds à tout argument, impassibles devant la détresse de pharmaciens qui font faillite sans avoir démérité ». Ce sentiment, c’est celui d’Hélène Roy, titulaire depuis près de 30 ans à Dijon et adhérente de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Un ras-le-bol que l’officinale a voulu partager. Auprès de celles et ceux qui exercent le même métier qu’elle mais aussi et surtout avec les lecteurs du « Monde », le journal qui a publié sa tribune le 15 avril. « On voit que les négociations conventionnelles entre les syndicats et l’assurance-maladie n’avancent pas et que les propositions qui nous sont faites ne sont pas intéressantes pour le moment », explique Hélène Roy au « Quotidien du pharmacien ». Si ce contexte l’a décidé à écrire, la pharmacienne dijonnaise voulait aussi et surtout informer chacun des problèmes que connaît la profession. « Le grand public ne se rend pas compte de ce qui se passe, ils n'ont pas conscience de nos difficultés », observe-t-elle au comptoir. Autour d’elle, Hélène Roy sent aussi l’inquiétude monter chez ses confrères et consœurs.
Dans cette tribune, la pharmacienne a donc voulu aborder tous les sujets qui minent aujourd’hui l’exercice quotidien des officinaux. À commencer par les risques qui pèsent sur le maillage. « En janvier 2024, 36 officines ont fermé définitivement leur porte dans l’Hexagone (…) Plus de 4 000 officines ont disparu en une douzaine d’années du maillage pharmaceutique jusque-là exemplaire, passant sous la barre des 20 000 sites en métropole ». Malgré l’attachement des patients à leur pharmacien, malgré la capacité de ces derniers à s’adapter à l’évolution de leur métier, des officinaux ne sont pas parvenus à survivre économiquement. D’autres se demandent jusqu’à quand ils vont pouvoir tenir.
Comme le rappelle Hélène Roy, les pharmaciens ont été au rendez-vous quand on a eu besoin d’eux. « Nous avons répondu présents pendant l’épidémie de Covid, nous organisant pour réaliser des tests, délivrer des masques, vacciner », souligne-t-elle. Aujourd’hui, l’assurance-maladie et le ministère de la Santé ne manquent pas de faire appel aux pharmaciens pour pallier le nombre insuffisant de médecins. Ils n’hésitent pas non plus à s’appuyer sur eux pour réaliser des économies. Problème, les retombées pour les pharmaciens, elles, ne sont pas au rendez-vous. Hélène Roy cite ainsi l’exemple des tarifs envisagés pour rémunérer les officinaux qui proposeront des TROD pour la cystite ou l’angine. S’il est question de les revaloriser en les passant de 6 à 9 euros. « qu’est-ce que 9 euros comprenant la fourniture d’un flacon, le matériel de réalisation du test et le temps passé comparé au coût d’une consultation médicale ? interroge Hélène Roy. Ces tests permettront d’éviter six à sept cent mille passages annuels aux urgences ! »
Le prix trop bas de nombreux médicaments, les réticences des autorités à favoriser l’arrivée sur le marché des biosimilaires, le retrait des produits de contraste du circuit officinal, les missions chronophages, les pénuries, le manque d’attractivité des études de pharmacie… Les sujets de crispation ne manquent pas. Comme si cela ne suffisait pas, d’autres menaces se font jour. « Nous avons aidé à déconnecter notre rémunération du volume de médicaments afin d’éviter la surconsommation et nous découvrons que le gouvernement prévoit la promotion de la vente sur Internet, ce qui aura précisément l’effet contraire », dénonce-t-elle en faisant référence à des propos récemment tenus par le Premier ministre. La peur de la financiarisation du métier est également de plus en plus présente. « Quels actionnaires s’intéresseront à la délivrance de l’Ilaris à 11 365,55 euros la boîte qui fait gagner 98,65 euros bruts à la pharmacie et 233,77 euros de TVA à l’État ? (...) Quels fonds de pension achèteront les officines rurales fragiles ? », interroge aujourd’hui Hélène Roy. Elle pose, enfin, une dernière question. « Est-ce que la féminisation des équipes a dévalorisé la perception de la valeur de notre travail malgré nos diplômes universitaires ? »
Au lendemain de la parution du texte, l'officinale a déjà eu quelques retours, notamment de personnalités politiques ou d’économistes. « Je ne m’attendais pas à ce que 3 500 pharmaciens soutiennent ce texte en seulement quelques heures », concède-t-elle également. Preuve que sa tribune n’a pas laissé indifférent.
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