Le Quotidien du pharmacien. - Le passe vaccinal est entré en vigueur le 24 janvier, quel rôle peut-il jouer sur l'évolution de l'épidémie ?
Pr Vincent Maréchal. - Il ne faut pas perdre de vue le premier objectif de la vaccination anti-Covid : protéger les personnes fragiles contre les formes graves et limiter ainsi la pression hospitalière. Sur ce point, on peut dire que le bilan est très positif et en cela le passe sanitaire a été très utile car il a convaincu des gens qui ne seraient pas spontanément allés se faire vacciner. Aujourd'hui, nous faisons face à un plafond, une part de la population qui refuse toujours de se faire vacciner, (environ 4,5 millions de personnes selon les chiffres de l'assurance-maladie). À mon sens, il faudrait mieux cerner les contours de cette population. On voit qu'avec l'annonce de l'instauration du passe vaccinal, des hésitants ont rejoint le chemin de la vaccination mais ce mouvement pourrait s’essouffler une nouvelle fois.
Les antivax convaincus sont peu sensibles aux arguments en faveur des vaccins en général. Il y a également des personnes en marge des systèmes de santé, comme les SDF. Le passe sanitaire s’adresse implicitement à une population qui a une activité professionnelle et des relations sociales. Et puis, nous avons les enfants de moins de 12 ans, très peu vaccinés mais qui ne sont pas concernés par le passe vaccinal. L'objectif du passe c'est de créer une pression sans aller jusqu'à l'obligation, un effet levier, c'est la stratégie de la carotte et du bâton. Or, il y a une question que l'on peut se poser aujourd'hui : est-ce que les gens que l'on vise à travers le passe vaccinal aiment vraiment la carotte ? Et sont-ils vraiment exposés au bâton ?
On en vient ensuite au deuxième objectif qui était espéré avec la vaccination anti-Covid : créer un effet barrière, limiter la transmission. On constate avec Omicron que la vaccination n'empêche pas les contaminations. L’argument d’une protection collective via la vaccination a donc perdu du poids.
Est-ce que le passe vaccinal arrive trop tard ? On peut dire que le bénéfice a déjà été engrangé avec le passe sanitaire et que la frange de la population qui n’a pas encore engagé son programme vaccinal doit être mieux définie. Ceux qui se sont inquiétés des vaccins à ARNm pourraient se voir convaincre avec l’arrivée des vaccins sous-unitaires, comme celui proposé par Novavax.
De nombreuses voix s'élèvent pour critiquer la politique de dépistage en France, partagez-vous ce constat ?
La stratégie appliquée en matière de tests me paraît en effet très excessive. Elle est premièrement très coûteuse (1,5 milliard d'euros rien que pour le mois de janvier). Aujourd'hui, nous sommes incapables d'évaluer l'efficacité de la doctrine « tester, tracer, isoler ». En testant 500 000 personnes par jour, on ne peut évidemment pas effectuer un tracing performant. On ne parviendra pas à bloquer la circulation du virus, donc cette politique de tests doit évoluer au profit d'indicateurs moins chers, comme ceux que l'on utilise déjà pour la grippe par exemple (à l'image du réseau Sentinelles), ou en valorisant des indicateurs indirects comme le suivi du virus dans les eaux usées. Nous devons utiliser des outils de suivi plus légers et qui permettent de répondre aux bonnes questions et évoluer vers un suivi en médecine de ville notamment chez les patients à risque.
La France avait la semaine dernière le plus haut nombre de contaminations en valeur absolu de tous les pays européens, peut-on l'expliquer ?
C'est très compliqué à comprendre. Le taux d'incidence est par nature biaisé car il est tributaire des politiques de dépistage, qui diffèrent selon les pays et les périodes. Plus on cherche, plus on trouve. La première question à se poser c'est justement quelle est la contribution de ces biais au résultat final ? Cela dit, on constate que le virus circule à un niveau très élevé, comparable, voire supérieur, à celui de la première vague de mars 2020, avec des dynamiques différentes selon les régions. Le variant Omicron parvient à contourner l'immunité, comme s'il rencontrait des personnes qui n'ont jamais été en contact avec le Covid. Le taux de contamination aujourd'hui nous étonne cependant car il se rapproche de celui de la première vague en France, une période à laquelle les moyens de lutte contre l’épidémie étaient beaucoup plus limités. L'arrivée de nouveaux variants, comme BA.2, l'explique peut-être, mais les données de terrain ne permettent pas encore de le confirmer.
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