Le Quotidien du pharmacien. - L’augmentation des charges d’exploitation pourrait-elle freiner les pharmaciens à investir dans leur officine ?
Philippe Becker. - Il est vrai que depuis quelques semaines certaines réflexions émergent car les officinaux constatent effectivement un fort ralentissement de l’activité alors que, parallèlement, les charges de personnel et les frais fixes croissent. On note aussi que l’inflation a pour conséquence directe un coût du financement plus élevé.
Sur un registre plus optimiste, l’implication des pharmaciens pendant la crise sanitaire a eu des effets positifs sur leur rentabilité et leur trésorerie. Nous l’avions déjà mentionné dans ces colonnes, les capitaux propres ont été de ce fait renforcés, ce qui met les titulaires dans une meilleure position pour négocier un crédit ou un leasing.
Les conditions de financement se dégradent-elles, selon vous, significativement ?
Olga Romulus. - Disons qu'on revient à une certaine normalité ! Indiscutablement, il fallait saisir sa chance en 2022 pour décrocher des financements à des taux inférieurs à 2 %. Actuellement sur des durées de 5 à 7 ans, il est facile de trouver du crédit à 3,60 % par an environ. Cela est certes deux fois plus cher que l’an dernier, mais encore supportable sur des courtes durées de remboursement. À titre d’exemple, pour 100 000 euros empruntés sur 7 ans au taux de 2 %, c’est verser une mensualité de 1 277 euros ; au taux de 3, 60 %, cela reviendra à 1 349 euros par mois. Le coût financier supplémentaire est de 6 048 euros sur 84 mois et il est, il faut le rappeler, déductible sur le plan fiscal.
Pour l’instant l’officine est toujours considérée comme un « bon » risque par les banquiers et nous ne notons pas à l’heure actuelle de restrictions particulières si le dossier est bien ficelé !
Quels seront à votre avis les postes d’investissement prioritaires pour les pharmaciens dans les 2 prochaines années ?
Philippe Becker. - L’évolution du métier, avec l’intégration des nouvelles missions, remet en cause pour bon nombre d’officines l’organisation des surfaces dites « commerciales » mais aussi le back-office. Le manque de place pour ce fameux espace dédié aux vaccinations, entretiens pharmaceutiques, TROD, etc., est manifeste. Si les pharmaciens et leurs équipes ont pu bricoler des espaces alternatifs pendant la crise sanitaire, il faut se rendre à l’évidence, il faudra repousser les murs à court et moyen terme.
Ce peut être un poste d’investissement faible ou fort, selon la configuration de l’officine. Aujourd’hui, le coût des travaux d’agencement a fortement augmenté et bien souvent il faut tabler entre 1 000 et 1 200 euros hors taxes du m2. Au-delà, se pose la question des tensions sur le recrutement et aussi la nécessité d’avoir du personnel qualifié pour exécuter les nouvelles missions. Pour résoudre cette équation, certains officinaux ont accéléré la digitalisation et ont également investi dans des robots ou des automates pour mieux servir les patients et parfois gagner des surfaces précieuses pour l’espace de confidentialité. Cela constitue donc un poste d’investissement qui va, au fil des ans, devenir prioritaire.
Comment savoir si un investissement a été judicieux ? Comment définir le retour sur investissement (ROI) ?
Olga Romulus. - Pendant longtemps les officinaux rénovaient leurs officines sans trop se poser de questions. Il s’agissait le plus souvent de réduire la pression fiscale en créant des charges financières et de l’amortissement. L’objectif était de se faire plaisir tout en améliorant l’accueil des clients. Si, à la clé, le chiffre d’affaires augmentait, c'était tant mieux, sinon tant pis ! Dorénavant, il n’est plus possible de raisonner ainsi car les effets de la crise sanitaire sur l’activité et la marge s’estompent rapidement et l’économie officinale va probablement revenir rapidement à son état de base !
Le retour sur investissement, communément appelé ROI (Return on Investment), est un instrument de mesure financier qui a pour vocation de calculer et de comparer le rendement d’un investissement. En d’autres termes, le retour sur investissement est déterminé par le calcul suivant : ratio des bénéfices de l’investissement sur le coût de l'investissement. Dans un univers incertain, cet indicateur permet de mesurer le retour financier d’un investissement lorsqu’on prend en compte les sommes investies et l’argent qui a été gagné ou perdu. Il permet aussi de déterminer à partir de quelle année l’investissement dégage un cash-flow positif.
Cette décision suppose par conséquent qu'on effectue une étude préalable qui aidera à la prise de décision.
Olga Romulus. - Tout à fait. Avec l’aide de son cabinet comptable, le titulaire pourra émettre des hypothèses solides comprenant des variantes optimistes et pessimistes, afin d'évaluer si l'investissement peut engendrer in fine un gain pour l'entreprise. En un mot, si le jeu en vaut la chandelle. Ces calculs serviront également au banquier pour valider la demande de financement. De même, ils permettront au pharmacien de jauger par la suite les écarts entre la réalité et ce qui était attendu en termes de retombées d’activité, de marge ou de productivité.
Y a-t-il un moment idéal pour investir ?
Philippe Becker. - Ce qui doit dominer dans la réflexion est l’aspect fiscal. En effet, en anticipant une décision pour la faire coïncider avec le début d’un exercice comptable, l’effet de levier sur l’impôt sur les sociétés ou sur le revenu en sera plus rapide. Il ne faut pas non plus oublier l’impact des charges financières et de l’amortissement sur la base de calcul des cotisations sociales du ou des titulaires qui sont encore nombreux à être soumis à l’impôt sur le revenu.
Il est aussi important de rappeler que la manière d’amortir, qu'elle soit linéaire ou dégressive, ainsi que la durée de l'amortissement, sont des données à prendre en compte. Ces paramètres doivent être décidés au départ, quand les choix sont possibles, en liaison avec son cabinet comptable.
Combien d'années avant ma retraite dois-je investir pour mieux revendre mon officine ?
Philippe Becker. - C’est un vaste débat ! Il n’y a pas de réponse toute faite à cette question car tout dépend du dynamisme du marché officinal le jour où le pharmacien décide de vendre. Dans un marché euphorique où les acheteurs se bousculent, il n’y a pas d’intérêt à rénover l’officine avant la vente. En revanche, dans un contexte difficile où les acheteurs sont rares car ils ont du mal à faire financer leur opération, une pharmacie récemment refaite à neuf peut présenter un atout pour céder rapidement. En effet, cette rénovation constituera un poste de financement en moins pour le repreneur.
J’ai de la trésorerie, dois-je l’utiliser, ou est-il préférable d’emprunter ?
Philippe Becker. - Je garde ma trésorerie pour les mauvais jours ! Il est toujours plus facile d’obtenir un crédit lorsque le compte bancaire est plein. Ainsi, j’apporterai juste ce qu’il faut pour que le financement soit accepté.
Quel mode de financement faut-il privilégier ?
Olga Romulus. - Tout dépend de l’investissement : pour l’informatique qui a par nature une obsolescence rapide, la location longue durée est bien adaptée, pour les robots et automates, le crédit-bail est une bonne formule, et enfin pour les gros travaux de rénovation de la pharmacie, le crédit classique est souvent la seule option possible.
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