Le Quotidien du pharmacien.- Vous allez entamer, à la fin du mois, de nouvelles négociations avec l'assurance-maladie. Comment comptez-vous obtenir une revalorisation de la rémunération du pharmacien à travers la future convention pharmaceutique ?
Philippe Besset.- Je compte explorer trois pistes. La première concerne la revalorisation des actes existants. Quand je dis revalorisation des actes, je veux parler de tous les actes de dispensation, y compris la délivrance des grands conditionnements et les ROSP. On ne peut pas laisser l'acte pharmaceutique au même tarif que ce qu'il était dans les années précédentes. Cela m'apparaît d'autant plus nécessaire en période d'inflation que nous devons garantir le pouvoir d'achat de nos équipes et que nous voulons rémunérer correctement nos collaborateurs.
Ceci d'autant plus que la profession connaît de graves difficultés de recrutement…
Je l'avais dit lorsque j'ai pris mon mandat en 2019. Le défi du renouvellement générationnel est devant nous. La formation en est la clé. Pour les préparateurs, les seuls responsables du manque sont les pharmaciens eux-mêmes car il leur revient d'embaucher des apprentis. Ils y sont même incités par une aide de 8 000 euros. Parallèlement, nous avons œuvré à la revalorisation du diplôme. Inscrite pour la première fois sur Parcoursup, cette formation universitaire de niveau DEUS est suivie en alternance en officine avec une proximité des CFA, avec désormais des perspectives de carrière. Nous travaillons également à un projet de licence pro et à un diplôme de préparateur en pratique avancée.
Le deuxième axe vise à maintenir l'attractivité de la filière officine. Cela passe notamment, et c'est très important, par la formation en finalisant le 3e cycle des études pharmaceutiques. Il faut aussi que nous fassions des propositions afin que le pharmacien ait un plan de carrière. Pour la FSPF, le plan de carrière est simple, c'est coefficient 400, 500, 600, libéral…
Pourriez-vous revenir sur les autres pistes de rémunération que vous souhaitez aborder dans la prochaine convention pharmaceutique ?
Je souhaite également que les pharmaciens soient rémunérés pour des missions de santé publique, notamment dans la prévention. Ce champ peut aussi couvrir le dépistage ou encore la vaccination, c’est-à-dire tous les vaccins tels qu'ils ont été énoncés par la HAS dans ses recommandations du calendrier vaccinal de l'adulte à des âges clés. Je m'imagine ainsi des rendez-vous santé auxquels les assurés seraient, à ces dates anniversaires, conviés par l'assurance-maladie. Cela pourrait également prendre la forme d'entretien de prévention des addictions, du diabète, de l’HTA. Ces entretiens sont à construire. Cette année, la prévention, que ce soit sous forme de tests, de vaccins ou de masques, aura compté pour 1,5 milliard d'euros dans la rémunération des pharmaciens. Ce pan d'activité de la prévention doit être pérennisé.
Par ailleurs, je souhaite inscrire un autre axe à ce volet « prévention », il porte sur la diffusion au comptoir de messages de santé publique qui seront tracés par le pharmacien.
Enfin, troisième piste de rémunération, je me battrai pour obtenir la valorisation d'une dispensation de qualité. Celle-ci pourra prendre de nouvelles formes : interventions du pharmacien sur l'ordonnance, dispensation en ville de la rétrocession hospitalière ou d'ATU, actes que je voudrais voir intégrés au PLFSS. Il y a aussi la dispensation protocolisée du pharmacien correspondant, la dispensation à domicile, par exemple, la PDA ou encore la démarche qualité qui pourrait valoriser la traçabilité des médicaments dispensés aux patients. Une traçabilité qui passe par l'inscription du numéro de lot au dossier patient. Celle-ci mériterait d'être rémunérée. Elle requiert d'ailleurs le même geste que la sérialisation. Au moins, celle-ci servirait-elle à quelque chose ! J'avais dit au gouvernement, nous pouvons sortir par le haut de la sérialisation, en réalisant un acte qui servira la santé publique.
La sérialisation, justement, figure au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022. La profession y sera contrainte dès le 1er janvier. Les pharmaciens seront-ils prêts à cette date et quels risques encourent ceux qui ne le seront pas ?
Nous allons demander à la représentation nationale que l'article 41 du PLFSS, qui prévoit la sérialisation, ne soit pas voté. Depuis le début, le sujet de la sérialisation est une question de moyens. La réglementation est très claire, elle dit que les pharmaciens doivent désactiver les identifiants uniques via un système de répertoire et qu'une solution de logiciel est fournie par l'opérateur France MVO, et financée par les industriels du médicament. Or ce n'est pas le cas. Nous demandons que ces outils soient mis à disposition. Dans l'intervalle, il faut s'engager dans la démarche et j'enjoins les confrères à s'inscrire sur le site de France MVO et à se mettre en conformité avec la législation. Les pharmaciens doivent attendre qu'on leur fournisse les codes. Je comprends qu'ils ne veuillent pas entrer dans un conflit juridique. De leur côté, les autorités peuvent régler cette question tout simplement en intégrant la fonctionnalité « sérialisation » au Ségur du numérique dont le financement pourra assurer le développement par les éditeurs. Les officinaux n'auront ainsi rien à payer.
Le Ségur du numérique prévoit également la mise en œuvre de l'e-prescription. Où en est-on ?
Dans ce dossier, en revanche, la profession est très demandeuse. Elle est très pro-active. L'entrée en vigueur est prévue pour 2022. Le cahier des charges devrait être rendu en décembre. L'idée est de disposer des nouveaux logiciels issus du Ségur du numérique en septembre 2022. Il faut rappeler que l'e-prescription fonctionne sur la base d'un numéro unique identifiant la prescription, apposé sous la forme d'un QR Code édité par le logiciel du médecin. À l’aide de ce QR code, l'ordonnance remise au patient devient unique. Parallèlement, le logiciel du médecin envoie à une base de données, gérée par l'assurance-maladie, le contenu de la prescription à proprement parler, noms des médicaments, posologie, etc. Mais en aucun cas le nom du patient, ni celui du médecin ne sont transmis. Cette prescription est donc totalement « anonyme ».
Pour délivrer, le pharmacien va ensuite rappeler l'ordonnance à partir de la base de données en utilisant son code CPS et en flashant le QR Code remis par le patient. Une fois la dispensation terminée, il renvoie le dossier à la base de données qui le transmet au médecin. Ce système évite les duplicatas et surtout règle le problème des ordonnances issues d'une consultation de télémédecine, une situation complexe à aborder pour les pharmaciens.
De plus, la FSPF s'est mobilisée pour que les interventions du pharmacien (IP) soient codifiées et intégrées à la e-prescription. L'assurance-maladie aura ainsi connaissance de l'acte pharmaceutique. Ce projet, absolument majeur, a tout notre soutien car il est le résultat d'un accord que j'ai obtenu avec Nicolas Revel (ancien directeur général de l'assurance-maladie, NDLR). C'est la victoire de la pharmacie française pour les décennies à venir. Car ce système empêche l'arrivée d'Amazon !
À propos de ventes sur Internet, la décision de la cour d'appel de Paris du 17 septembre suscite inquiétude et colère dans la profession puisqu'elle autorise de facto les e-pharmaciens européens à communiquer sur le marché français. Démarche qui reste interdite aux confrères. Quelle action pensez-vous mener ?
Dès cette décision connue, nous avons écrit au cabinet d'Olivier Véran. Cependant, je pense qu'il faut aller plus loin et nous envisageons de saisir le Premier ministre, Jean Castex. Car il s'agit là d'une affaire interministérielle, impliquant également le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.
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