Portée depuis deux ans par les activités Covid, l'économie officinale saura-t-elle se stabiliser à un niveau lui permettant d'absorber la hausse des coûts, y compris salariaux, en partie liée à l'inflation ? Cela semble bien parti si on en croit les chiffres diffusés en novembre par le GERS Data. Les pathologies hivernales, d'une part, et la croissance des médicaments onéreux et de l'automédication, d'autre part, contribuent largement à une dynamique qui s'affiche – hors Covid — à + 8 %, pour les neuf premiers mois de 2022. Et ce en dépit d'une fréquentation des cabinets médicaux en berne depuis le début de l'année.
En cumul mobile sur douze mois, le chiffre d'affaires du réseau officinal atteignait, fin octobre, 41 milliards d'euros, soit une croissance de 12 % par rapport à la même période de 2020. L'activité officinale pourrait-elle donc assurer son salut hors du réglementaire lié à la gestion de la crise sanitaire (tests antigéniques et vaccination) ? C'est en tout cas ce que conseillent les experts, qui ne voient guère de croissance pérenne dans les activités de TVA à 5,5 % et à 10 %. Car les premières se portent bien grâce au respect des gestes barrières (gels hydroalcooliques et masques), tandis que les secondes se contentent de rester stables. Ainsi selon le réseau d'experts-comptables CGP, la part des produits de TVA à 5,5 % passe de 10,43 % en 2019 à 11,16 % deux ans plus tard. Quant aux produits de TVA à 10 %, ils continuent d'infléchir leur part dans le chiffre d'affaires de 5,49 % en 2019 à 4,66 % (cabinets Fiducial). Pas question donc de tabler durablement sur ces deux segments comme relais de croissance.
Se préparer aux nouvelles missions
Selon Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), les piliers de l'économie officinale doivent être identifiés « dans les nouvelles missions, comme la nouvelle convention nous y incite ». À moins que l'émergence d’autres activités vienne compléter cette nouvelle configuration de l'économie officinale ? Ainsi, alors que les prescriptions de ville, accusant une baisse de 3,3 % depuis 2020, ne composent plus guère que 50,1 % du chiffre d'affaires, les prescriptions hospitalières gagnent du terrain. Elles augmentent de 2,6 points et représentent désormais 29,3 % de l'activité officinale, contre 26,7 % il y a encore deux ans. Cette hausse est encore plus fulgurante du côté des ventes de la sortie hospitalière qui croissent de 202,1 % en un an et des produits innovants (+ 121 % en un an), relèvent les statistiques du GERS Data.
Mais ce décor a un revers. Tant du côté des nouvelles missions qui exigent du personnel diplômé en nombre suffisant, alors même que 15 000 personnes manquent à l'appel, ce qui provoque une hausse mécanique des salaires, que du côté de la marge, bridée par les médicaments onéreux. Les titulaires vont donc devoir contourner ces deux obstacles, sinon devoir composer avec ces deux menaces sur la rentabilité de l'officine dans un contexte inflationniste. Il y a fort à parier que les grosses structures (chiffre d'affaires supérieur à 2 millions d'euros) trouveront différentes opportunités pour se développer. Elles sont d'ailleurs, en 2021, 80 % de pharmacies à enregistrer un chiffre d'affaires en hausse (contre environ 67 % un an auparavant), certaines progressant de 9 %, voire de 10 %. Mais sauront-elles maintenir ce niveau d'activité ? Les premiers mois de cette année forcent à l'optimisme. À la différence des plus petites officines, celles qui n'ont plus de prescripteurs et surtout celles qui, de par leur taille ou leur équipe réduite, ne pourront effectuer ni vaccinations, ni autres nouvelles missions. Comme le rappellent les réseaux des experts-comptables, 18,20 % à 24,40 % des officines ont eu une « évolution négative » en 2021. Contrairement aux idées reçues, toutes ne se situent pas en zones rurales, tant s'en faut.
Une polarisation du réseau
Ainsi, au sein des cabinets KMPG, la lanterne rouge s'allume dans les pharmacies des zones urbaines qui, avec seulement 5,4 % de croissance, se rangent auprès des officines rurales suivies par Fiducial. Les racines de la polarisation du réseau sont à chercher dans la taille du point de vente. Selon les analyses des cabinets comptables, en période Covid comme hors Covid, la prime à la taille reste le facteur majeur des disparités. Selon les trois réseaux d'experts-comptables intervenant à la « Journée de l'économie de l'officine », organisée par le « Quotidien du pharmacien », les officines d'un chiffre d'affaires inférieur à 1 million d'euros atteignent à peine 2 % de croissance. Alors que la dynamique des pharmacies d'un chiffre d'affaires de deux millions d'euros se situe dans la moyenne (environ + 7 %). Un constat qui fait prédire à Philippe Becker, consultant pharmacie chez Fiducial, que l'officine standard de demain tendra vers un chiffre d'affaires de deux millions d'euros. Une taille qui lui permettra d'appréhender plus sereinement les évolutions post-Covid de l'exercice officinal.
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