APRÈS les projets d’honoraires de dispensation ou relatifs à de nouvelles missions, les pharmaciens pourraient bientôt découvrir un nouveau système de rémunération : le paiement à la performance. C’est en effet l’une des pistes explorées dans le cadre des négociations pour la nouvelle convention pharmaceutique, actuellement en cours de discussion entre les syndicats de pharmaciens et l’assurance-maladie. Le principe en est simple : l’assurance-maladie définit des objectifs ; si le pharmacien les atteint, il perçoit une rémunération. Ce paiement à la performance, ou « P4P » (voir encadré), a déjà été instauré pour les médecins l’été dernier. Elle permet aux prescripteurs de prétendre à une prime maximale d’environ 9 100 euros par an, si tous leurs objectifs sont remplis. Un système à points permet de comptabiliser les réussites dans chacun des 29 indicateurs fixés, tels que le taux de prescriptions dans le répertoire des génériques, le nombre d’hospitalisations évitées, la tenue du dossier médical, ou encore le dépistage du cancer du sein.
Objectifs de quantité et de qualité.
Pour les pharmaciens, ce système pourrait notamment être appliqué à la substitution des médicaments génériques. « Les génériques feront partie des objectifs individualisés, explique ainsi Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Ils seront définis par rapport à la situation existante, sur des critères de progression ou de maintien du taux de substitution. Concrètement, un pharmacien qui affiche un taux de substitution insuffisant devra le faire progresser pour atteindre son objectif. En revanche, celui qui a déjà un taux très élevé devra simplement le maintenir. »
L’ambition de cette mesure est de « faire passer le taux global de substitution à plus de 72 % », souligne Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Outre cette incitation en fonction du nombre de génériques délivrés, un objectif de qualité pourrait également être défini. « La fidélité à la marque d’un générique pourrait ainsi être encouragée, notamment pour les patients chroniques et les personnes âgées », précise Gilles Bonnefond. Soit environ un quart du marché. « Quand la marque change trop souvent, le pharmacien doit refaire le travail de substitution à chaque fois », poursuit-il. Mais surtout, « le changement de marque est une critique qui revient très souvent dans les reproches adressés aux pharmaciens qui substituent. Il est donc compréhensible que l’assurance-maladie souhaite agir sur cet aspect », estime Philippe Gaertner.
Relancer la substitution.
Pour Gilles Bonnefond, « il faut relancer la machine des génériques ; ces discussions avec l’assurance-maladie sont d’autant plus nécessaires que les attaques contre ces médicaments se multiplient ». Et de citer, par exemple, le récent rapport de l’Académie de médecine, qu’il juge « scandaleux » (voir également « le Quotidien » du 5 mars). « Il faut rappeler que le générique est bon pour la santé et qu’il génère des économies », martèle-t-il. Dans les discussions avec l’assurance-maladie, les syndicats resteront donc vigilants sur ce sujet, ainsi que sur celui de l’augmentation des mentions « non substituable » (NS) apposées sur les ordonnances.
Comme on pouvait s’y attendre, le Gemme se félicite de l’introduction d’une rémunération des pharmaciens en fonction de nouveaux objectifs de substitution. Toutefois, pour l’association qui réunit sept industriels du générique, cette mesure sera « insuffisante faute d’actions volontaristes vis-à-vis de certains prescripteurs. En effet, elle demeure sans effet sur le problème de fond : la multiplication de l’usage de la mention non substituable. Si rien n’est fait pour inverser cette tendance, les objectifs des pharmaciens seront difficiles à atteindre et les économies collectives limitées ». Le Gemme signale que « le recul de la substitution et du marché générique sur 2011 ne devraient pourtant pas manquer d’alerter les différents décideurs : un point de substitution représente selon la CNAM 19 millions d’euros d’économies et nous avons perdu plus de 10 points en deux ans ! ». L’association s’étonne par ailleurs que la CNAM n’ait pas publié l’étude qu’elle avait commandée sur l’usage de la mention non substituable. « Les résultats de cette étude auraient en effet permis au gouvernement et aux parlementaires de prendre toute la mesure du phénomène et de voter, lors des derniers débats parlementaires, les décisions nécessaires. » Le Gemme proposait notamment que l’usage de la mention non substituable soit systématiquement justifié auprès du médecin-conseil. « Devant l’absence de mesures contraignantes pour les médecins, et comme annoncé par Xavier Bertrand en séance publique », le Gemme réclame que « l’usage de la mention non substituable soit contrôlé de manière très stricte par l’UNCAM*. À cette condition, et à cette condition seulement, les pharmaciens d’officine auront la possibilité d’atteindre leurs nouveaux objectifs de substitution », estime-t-il. Le P4P ne serait donc qu’un des leviers capables de revigorer le marché des génériques en France.
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