Pourquoi passer à l’honoraire ?
Dans un contexte de maîtrise des dépenses de santé, « il nous est apparu indispensable de trouver d’autres modes de rémunérations pour les pharmaciens, déconnectés des prix et des volumes », explique Christelle Ratignier, directrice du département des produits de santé à la CNAM* et ancienne conseillère de Xavier Bertrand pour le médicament. Selon elle, « il s’agissait aussi de trouver une meilleure adéquation entre le métier du pharmacien et sa rémunération et de transcrire au niveau de l’économie de l’officine les missions qu’il exerce au quotidien ».
C’est ce qui semble également avoir motivé les confrères suisses de passer à l’honoraire. Avec la marge commerciale, « la rémunération n’est pas toujours équivalente aux responsabilités », indique Dominique Jourdan, président de PharmaSuisse. Les officinaux helvètes sont également payés pour certaines prestations : réalisation de semainiers, entretien de polymédication (patients ayant plus de 4 médicaments), dispensation des traitements de substitution aux toxicomanes… Pour lui, la rémunération basée sur les prestations, indépendante des prix des médicaments, est le point de départ du repositionnement du pharmacien dans le système de santé.
À quoi pourrait correspondre l’honoraire de dispensation ?
Difficile de répondre pour le moment à cette question. Seules quelques pistes de réflexion sont avancées ici et là. Lors du 65e Congrès national des pharmaciens, à Lille, Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), a ainsi rappelé que, pour lui, l’honoraire de dispensation doit avoir l’ordonnance comme point de base, mais d’autres paramètres doivent également être pris en compte, tels la complexité de l’ordonnance ou le type de patients (personnes âgées, toxicomanes…). « La multiplication des critères permettra d’avoir une répartition des honoraires équilibrée entre les officines », argue-t-il.
Les honoraires seront-ils remboursés ?
L’instauration d’honoraires sera neutre financièrement. « Il n’y aura pas de surcoût pour les malades », affirme Éric Badonnel, secrétaire général de l’Union nationale des organismes d’assurance-maladie complémentaires (UNOCAM). En effet, la prise en charge sera assurée par l’assurance-maladie et les organismes complémentaires. « Nous sommes d’accord pour cofinancer, explique-t-il. Nous allons recalculer le ticket modérateur afin d’assurer la neutralité pour le régime obligatoire et le régime complémentaire. » À noter que, contrairement au forfait à la boîte de 53 centimes d’euro, l’honoraire ne sera pas introduit dans le prix du médicament et sera visible par le patient.
Ne risque-t-on pas de ne jamais voir les honoraires réévalués ?
« Cette question se pose pour tous les professionnels et dans tous les pays », répond Philippe Gaertner. Pour le président de la FSPF, il est faux de dire que les honoraires n’évoluent jamais : « ils augmentent à chaque fois que la conjoncture le permet et quand celui qui émet l’honoraire apporte un plus. C’est le juste retour du travail fourni. »
À partir de quelle date les missions d’accompagnement des patients vont-elles se mettre en place ?
« Dès le 2 janvier 2013, l’accompagnement des patients sous anticoagulants oraux sera possible », affirme Philippe Besset, président de la commission Économie de l’officine de la FSPF. Le suivi des asthmatiques devrait quant à lui être opérationnel à partir de la mi-2013.
Les adjoints peuvent-ils participer à l’accompagnement des patients ?
Tout à fait. Philippe Gaertner, explique ainsi que les entretiens pharmaceutiques peuvent être réalisés aussi bien par les titulaires que par les adjoints.
Le non-respect de l’objectif national de substitution de 85 % peut-il remettre en cause le paiement de la prime générique individuelle ?
« Non, le respect de l’objectif collectif ne conditionne pas le paiement de la prime », indique Philippe Besset. En effet, l’objectif national de 85 % pour 2012 et les objectifs individuels, qui entrent dans le cadre du paiement à la performance, sont deux choses bien distinctes. En revanche, la rémunération sera accordée dans son intégralité dès lors que 90 % des patients âgés de plus de 75 ans se voient délivrer une seule marque de génériques au cours de l’année. Dans le cas contraire, une décote de 20 % peut être appliquée (uniquement pour les molécules pour lesquelles le pharmacien n’a pas atteint le taux de stabilité fixé).
Qui va toucher les rémunérations ?
C’est l’officine qui est rémunérée pour les services qu’elle rend, indique Philippe Besset, et pas le pharmacien en tant que tel.
Toutes les officines sont-elles concernées par ces nouvelles rémunérations ?
A priori, oui. Philippe Besset divise en trois catégories les missions donnant droit à de nouvelles rémunérations. D’abord, les services essentiels, comme la dispensation, qui concernent l’ensemble des officines. Il y a ensuite les services avancés dans lesquels s’inscrivent les accompagnements des patients rémunérés sur la base d’un paiement à la performance. Pour le président de la commission Économie de l’officine de la FSPF, 80 à 85 % des confrères devraient y participer. Enfin, il y a les services optionnels qui sont encore à inventer. « Ils pourraient être financés par les complémentaires, voire les patients eux-mêmes », estime Philippe Besset.
Combien une officine pourra-t-elle gagner avec les nouvelles missions ?
En moyenne, chaque officine compterait entre 35 et 40 patients sous anticoagulants oraux. L’accompagnement de ces malades, qui comprend notamment deux entretiens pharmaceutiques, étant rémunéré sur la base d’un forfait annuel de 40 euros, chaque pharmacie de l’Hexagone peut prétendre à percevoir entre 1 000 et 1 500 euros.
À cela, on peut ajouter l’aide pour la transmission de feuilles de soins électroniques (FSE) prévue par la nouvelle convention, qui peut rapporter environ 1 500 euros par an. Enfin, la prime pour la substitution générique peut atteindre près de 6 000 euros, selon les pharmacies (calculs réalisés par IMS). En moyenne, la prime générique est estimée à 3 000 euros par officine, d’après les taux de substitution enregistrés à la fin août.
Au total, une pharmacie peut donc bénéficier, en moyenne, de quelque 6 000 euros de revenus supplémentaires par an.
Quand les sommes correspondantes aux rémunérations à la performance seront-elles versées aux pharmaciens ?
Les versements s’effectueront au cours du premier trimestre de l’année suivante. En pratique, le paiement des accompagnements engagés de janvier à octobre ou novembre 2013, se fera au début de l’année 2014.
En ce qui concerne les génériques, la prime pour 2012 sera débloquée début 2013.
Le nouveau mode de rémunération risque-t-il d’avoir des conséquences sur la valeur des fonds ?
« Il n’y aura pas d’impact », rassure Philippe Besset. En fait, selon lui, ce qui risque de changer, c’est la façon de calculer la valeur des fonds, en tenant compte de la rentabilité de la pharmacie plutôt que de son chiffre d’affaires.
D’après des conférences du 65e Congrès national des pharmaciens, les 13 et 14 octobre, à Lille.
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