DANS TROIS semaines environ, les inspecteurs de l’IGAS* remettront à Xavier Bertrand leur rapport sur l’évolution du mode de rémunération des pharmaciens d’officine. Syndicats d’officinaux et ministère de la Santé semblent déjà s’accorder sur les contours de la nouvelle rémunération : un mélange de marge commerciale et d’honoraires liés à la réalisation de services (voir notre édition du 4 avril). Mais attention, a souligné le ministre de la Santé à Pharmagora, l’indemnisation des services doit être considérée comme un revenu complémentaire et ne doit pas se substituer à la rémunération à la marge. Reste à savoir quelle proportion sera accordée à chacune de ces sources de revenus.
Interrogé lui aussi par l’IGAS, le président du groupe PHR plaide, pour sa part, en faveur d’un changement plus radical. En effet, Lucien Bennatan défend l’idée d’une rémunération du pharmacien reposant à 90 % sur des honoraires et, donc, à seulement 10 % sur une marge commerciale. Le président du groupe PHR va plus loin. Il souhaite également que les soins de premiers recours soient entièrement de la responsabilité de l’officinal. Pour y parvenir, il préconise le déremboursement pur et simple de tous les médicaments de prescription médicale facultative. Leur prise en charge serait tout de même assurée par les organismes complémentaires. Ceux-ci « doivent jouer leur rôle », martèle Lucien Bennatan. Pour les patients qui ne possèdent pas de mutuelle, il propose un élargissement du champ de la CMU. Enfin, le président du groupe PHR prône la délivrance des médicaments à l’unité, afin d’améliorer l’observance et d’éviter le gaspillage. « Nous ne sommes pas là pour vendre des marques, mais pour soigner », argumente-t-il.
Un délai trop court.
Le rapport de l’IGAS ? Lucien Bennatan l’attend donc avec impatience. Mais, le délai de trois mois accordé aux inspecteurs pour rendre leur copie lui semble un peu court. Car, pour lui, c’est l’ensemble du système qui est à revoir. Il pointe non seulement un mode de rémunération inadapté, mais aussi « des officinaux " sous exploités " », exerçant dans « des officines trop petites, alors que l’on demande de plus en plus aux pharmaciens ». À ses yeux, ce système en bout de course, « accentue l’immobilisme et affaiblit le maillage territorial ». Et les pistes avancées par certains syndicats ne le séduisent pas. « Un ballon d’oxygène de 200 à 300 millions d’euros, ce n’est pas suffisant », estime-t-il ainsi. Et d’ajouter : « d’autres voudraient mettre un peu d’honoraires et maintenir la part de la marge commerciale à au moins 95 %, car elle serait le socle de l’équilibre de la pharmacie, alors même qu’elle délite le réseau ». On l’aura compris, Lucien Bennatan est partisan d’une réforme en profondeur du système. Mais, compte tenu des délais et de l’ampleur de la tâche, « il faut s’attendre à quelques désillusions, craint-il. On va réviser les tranches de la marge, mettre en place une rémunération à l’honoraire avec le pharmacien correspondant, mais ces quelques solutions ne suffiront pas. Ce sera un pansement sur une jambe de bois ». Le président de PHR propose, lui, de progresser par étapes. Avant de passer à un modèle reposant à 90 % sur l’honoraire, il envisage une solution intermédiaire où la part d’honoraires atteindrait 53 % des revenus du pharmacien, sur la base du modèle mis en place en Suisse (voir encadré). L’instauration de cette nouvelle rémunération pourrait être assortie d’une période probatoire, de deux ans par exemple, suggère Lucien Bennatan. « Mettre en place un système de santé solidaire, centré sur le patient, donnant du crédit à la qualité, à l’accessibilité aux soins, à la prévention et où le pharmacien doit jouer un rôle transversal », tel est en résumé, la volonté du président du groupe PHR.
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