Le Quotidien du pharmacien.- Il semblerait que le gouvernement ait fait marche arrière sur son projet d'appels d'offres génériques, puisque ne devrait plus être inscrite au PLFSS pour 2023 qu'une expérimentation portant sur les antiulcéreux au 4e trimestre. Êtes-vous rassurés par cet aménagement de l'article 30 ?
Laurent Filoche.- Pas du tout. Car cette expérimentation correspond exactement à ce qu'aurait fait le gouvernement dans le cadre de l'application de l'article 30 au PLFSS. Ces appels d’offres dont il est question auraient tout d'abord concerné une seule classe thérapeutique pour ensuite s'élargir. Le gouvernement nous prend pour des imbéciles, cette expérimentation n'est qu'un stratagème, un habillage et elle produira les mêmes effets et le même désastre in fine sur le modèle économique de l'officine.
Et des groupements dont les accords avec les génériqueurs seront de facto rendus caduques par les appels d’offres.
Bien sûr, car je ne connais pas un seul groupement, ni une seule pharmacie, qui ne soit pas dépendant des génériqueurs. Ces accords servent bien entendu in fine les intérêts des adhérents qui en bénéficient. Les accords génériqueurs sont la pierre angulaire du modèle économique. On peut certes regretter d'avoir mis tous nos œufs dans le même panier. Mais ce n'est ni le moment, ni la manière de nous sortir de la situation. Cette méthode est brutale et unilatérale. Si nous n'en obtenons pas le retrait pur et simple, tout le réseau officinal s'effondre.
D'où la virulence de la réaction des syndicats de la profession que l'UDGPO et Federgy au nom des groupements rejoignent. Appelez-vous également à la grève ?
Lorsqu'il a été question de distribuer l'OTC en GMS, toute la profession s'est soulevée. À l’époque cela ne concernait « que » 5 % de notre chiffre d'affaires. Là on parle aujourd'hui d'une réduction de 30 % de notre résultat. Soit 1,3 milliard d'euros de pertes par an pour le réseau officinal. Il s'agit d'une menace économique bien plus importante. Or à l'époque nous étions parvenus à obtenir gain de cause en nous mobilisant. Je pense que cette fois-ci les pharmaciens n'hésiteront pas à faire grève. Et à fermer pendant plusieurs jours. Car cet article est délétère sous de multiples aspects : on fragilise l'économie officinale, mais on ouvre aussi la porte à des génériqueurs que nous ne connaissons même pas aujourd'hui et qui se saisiront de l'aubaine. Avec aucune garantie sur la qualité des médicaments. C'est le niveau de sécurité sanitaire du pays qui est mis en jeu pour au final très peu d'économies. Alors qu'on pourrait accélérer dans le domaine des biosimilaires, ce qui serait à la fois bénéfique pour les patients et pour la Sécurité sociale.
De quels relais disposez-vous pour que cet amendement soit supprimé du PLFSS ?
Nous avons bien sûr des relations avec les parlementaires. Mais je constate, cependant le silence assourdissant de notre ministre déléguée qui, en tant que pharmacienne d'officine en exercice, saisit certainement tout l'enjeu de cet article 30 et je m'étonne qu'elle ne soit pas plus active au niveau du gouvernement. On ne peut que regretter qu'elle commence sa carrière ministérielle en mettant en jeu le modèle économique de l'officine. Pour moi, c'est une trahison, un sabordage.
* Union des groupements de pharmaciens d'officine.
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