Le constat est accablant. La pénurie de personnels dépasse le large périmètre de l’officine où déjà 15 000 personnes manquent à l’appel. Dans le secteur de la distribution, les grossistes-répartiteurs, eux aussi, sont en butte aux carences du marché de l’emploi, comme le déplore Laure Brenas, présidente de la section C. L’industrie, elle-même, n’est pas épargnée, comme en atteste, Stéphane Simon, président de la section B : « La pandémie a accentué les besoins en ressources. Sur un marché mondialisé, les pharmaciens français qui sont excellents sont très sollicités à l’international. Les rapports de force se jouent désormais entre New York, Melbourne et la France. » La rançon du succès en quelque sorte.
En Outre-Mer elles touchent tous les métiers de la pharmacie, et tout particulièrement les PUI, d’après Brigitte Berthelot-Leblanc, présidente de la section E. Les difficultés de recrutement sont d’une autre nature dans la biologie et à l’hôpital. Elles sont provoquées, comme l’expose Patrick Rambourg, président de la section H, par un nombre trop réduit de postes en internat, inférieur au nombre de postes disponibles. « Cela fait des années que nous alertons les pouvoirs publics sur les dangers de cette politique de restriction, mais rien n’a véritablement été entrepris », dénonce-t-il.
Ambassadeurs de leur profession
Cette surdité du gouvernement à la relève démographique cause également des dommages collatéraux sur les bancs des amphis des facultés de pharmacie. Un tiers des places de deuxième année, soit plus d’un millier, restent vacantes cette année. Une bombe à retardement sur le maillage officinal qui ne laisse pas d’inquiéter les titulaires actuels et que n’a pas manqué d’évoquer Bruno Maleine, président de la section A (titulaires), car cette nouvelle vulnérabilité s’ajoutera aux conditions difficiles actuelles. Nombre de pharmaciens ne prennent plus de vacances, ou ferment leur officine par manque de personnels, rappelle-t-il, ajoutant que Pôle emploi a identifié la pharmacie comme le troisième secteur d’activité en déficit.
Comment dans ces conditions résoudre cette difficile équation qui concerne toute la chaîne du médicament ? Pour parer à ces multiples menaces, Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), a annoncé un plan d’actions et une feuille de route réunissant toutes les parties prenantes de la profession et les pouvoirs publics. « Car nous avons besoin de décisions politiques. » Le plan d’actions présenté par la présidente du CNOP est conçu à différents niveaux. Il s’agit tout d’abord de réactiver la campagne de communication auprès des collégiens et des lycéens pour mieux faire connaître les métiers de la pharmacie. « Il faut que vous soyez ambassadeur de votre profession, allez dans les établissements scolaires, faites des vitrines sur l’orientation des jeunes « ici, on vous renseigne » », exhorte Jérôme Paresys-Barbier, président de la section D (adjoints), à l'intention de ses confrères. Tandis que Bruno Maleine promet des offensives en région par le biais des 12 conseils régionaux (CROP) qui s’associent aux associations étudiantes et aux doyens de facultés de pharmacie.
Décloisonner les métiers de la pharmacie
Cependant, ces opérations destinées à renforcer l’attractivité de la pharmacie devront être accompagnées d’une réorganisation de la plateforme « Parcoursup ». C’est même un impératif. Car, comme le dénonce Carine Wolf-Thal, « la réforme des études de santé a rendu la filière invisible sur Parcoursup ». Autre dommage collatéral de la réforme des études de santé, la désertion des facs de pharmacie. « Nous devons réfléchir dès l’année prochaine à une réforme des PASS-LAS* », annonce la présidente de l’Ordre.
Autre point inscrit à l’agenda de l’Ordre, et quatrième axe d’action prévu par les instances ordinales, un décloisonnement doit s’opérer entre les différents métiers de la pharmacie. « Il faut mettre plus de fluidité dans les parcours entre les filières, favoriser les passerelles en cours d’exercice pour attirer les jeunes. Nous avons perdu la multiplicité du diplôme de pharmacien », affirme Carine Wolf-Thal, ne souhaitant pas pour autant revenir sur les équivalences nécessaires.
Le diplôme unique est en effet une opportunité à mettre en avant auprès des jeunes, car il permet de faire des métiers différents tout au long des âges de la vie. « Nous sommes par ailleurs une profession qui allie la santé, l’humain et le scientifique, il faut mettre ces atouts en valeur », insiste Philippe Piet, président de la section G. Enfin, la présidente de l’Ordre évoque le recours aux diplômés étrangers, notamment francophones, encore trop souvent exclus de l’inscription.
Au-delà de ces mesures incontournables, la profession doit elle-même œuvrer pour se rendre plus attractive. Il y va de la responsabilité collective de tous les pharmaciens. « J’entends encore trop souvent des étudiants déçus par leur stage, soit ils ne sont pas assez occupés, soit le pharmacien ne les fait pas rêver », n’hésite pas à déclarer Carine Wolf-Thal. « Les stagiaires choisissent leurs entreprises, cela nous pousse dans nos retranchements », reconnaît Stéphane Simon. Tandis que Jérôme Paresys-Barbier estime qu’il est du devoir des entreprises de fidéliser leur personnel par divers moyens : meilleure rémunération, accueil différent des stagiaires, incitation à rester, voire participation au capital…
Mettre en avant les évolutions
Et si la force d’attraction d’un métier ne provenait pas en premier lieu du contenu qu’on donne à son exercice ? Dans ce domaine, la pharmacie d’officine recèle de nombreux atouts. Sa position clé dans l’accès aux soins et son rôle dans la permanence des soins, est un argument qui trouve écho auprès des jeunes générations. « Mais comment maintenir notre efficience lorsque nous faisons face au manque de 15 000 personnes dans nos officines », s’interroge Bruno Maleine. Le partage des nouvelles missions, au sein d’un territoire donné est l’une des réponses. Sauf à transformer l’officine en mini-maison de santé, il est possible de répartir les tâches entre pharmaciens d’un même secteur. Moyennant cette organisation, le champ des entretiens pourra être élargi ; et la dispensation protocolisée (actuellement pratiquée par seulement 15 % des pharmacies) étendue, afin que l’accès aux soins soit une réalité.
Reste cependant à donner de la visibilité à ces nouveaux contours du métier, auprès du grand public.
* Parcours spécifique accès santé et licence option « accès santé ».
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