L’analyse des chiffres par l’assurance-maladie est sans appel. Le premier confinement a entraîné une chute de l’activité médicale et paramédicale qui a essentiellement impacté les personnes fragiles et celles n’ayant pas accès au télétravail.
L’étude EpiPhar sur la consommation de soins, menée conjointement par l’assurance-maladie et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) durant les huit semaines de confinement (et qui se poursuit aujourd’hui), pointe un fort déficit dans l’instauration de traitements et la réalisation d’examens. Ainsi, la chute des initiations d’antidiabétiques est de 48,5 %, soit 37 500 diabétiques potentiels non traités, et de 33 % pour l’insuline, soit « environ 10 000 diabétiques dont le traitement par hypoglycémiants oraux n’a pas été renforcé ou remplacé par de l’insuline », note l’ANSM. Des données confirmées, selon François-Xavier Broucq, à la tête de la Direction des assurés de la Direction déléguée à la gestion et à l’organisation des soins de la CNAM, par le moindre recours à Sophia, le service d’accompagnement des patients diabétiques mis en place par la CNAM depuis 2008 et comptant près de 820 000 adhérents.
Face au reconfinement, la continuité des soins est devenue essentielle : les cabinets médicaux restent ouverts, tout comme les centres d’examen de santé de la CNAM et le service Sophia. « Nous travaillons à renforcer la garantie de la continuité des soins dans le cadre des négociations d’un nouvel avenant à l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI). Il faut que les équipes pluriprofessionnelles sur les territoires puissent s’organiser avec l’hôpital et les autres professionnels dans la prise en charge, non pas seulement de leur patientèle, mais des populations sur le territoire, qu’il s’agisse de pathologies chroniques ou aiguës. S’y intègre un programme de retour à domicile des patients Covid avec un suivi spécifique », explique François-Xavier Broucq.
Travail collaboratif
Le Ségur de la santé, mis en place après le premier confinement par le ministre de la Santé, Olivier Véran, bien qu’hospitalo-centré sur ses trois premiers piliers, en a déployé un quatrième tourné vers la ville : « Fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers ». Son pilote ? La pharmacienne Jocelyne Wittevrongel, en tant que présidente de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS). Aujourd’hui, elle regrette de ne pas avoir pu traiter le volet de la prévention, qui mériterait « un Ségur à lui tout seul ». En revanche, la question du numérique a beaucoup occupé les acteurs du 4e pilier, « parce qu’une organisation sans moyen de communication fonctionne peu ».
Outre les pratiques de la téléconsultation, du télésoin et de la téléexpertise, Jocelyne Wittevrongel a insisté sur l’importance de disposer d’outils numériques interopérables. « Quand on change de logiciel métier, les données ne sont pas transférables et nous perdons toutes nos données patients. Nous avons des messageries sécurisées de santé mais certaines ne fonctionnent pas entre elles ! » Le plus bel exemple de ces incompatibilités n’est autre que le dossier médical partagé (DMP), que le pharmacien peut créer, mais pas consulter… En temps de Covid, l’interprofessionnalité, et donc l’interopérabilité des systèmes, est essentielle. « Il faut que les éditeurs de logiciels pour l’hôpital, les professionnels de santé de ville, les établissements médicaux sociaux fassent le nécessaire pour que nous puissions tous travailler ensemble sur un dossier patient », poursuit Jocelyne Wittevrongel.
Un travail collaboratif qui doit aussi passer par les patients. C’est l’un des regrets de Gérard Raymond, président de France Assos Santé. « Les instances de la démocratie en santé ont été balayées en mars, pour laisser place aux sachants, aux scientifiques, aux politiques. Les usagers, on leur a simplement demandé de rester chez eux. » Avec le reconfinement, Gérard Raymond note une prise en compte de la parole des patients, que ce soit par la Haute Autorité de santé (HAS), les agences régionales de santé (ARS) ou les établissements de santé. Mais la participation des usagers reste, selon lui, encore trop limitée en ville et dans les organisations comme les CPTS. Ce que Jocelyne Wittevrongel confirme et espère voir évoluer. « Il faut qu’on se mette tous ensemble pour aller plus loin. La santé n’existe pas sans les patients, comme elle n’existe pas sans les professionnels de santé. »
* D’après un colloque de la FFD, « Sommes-nous en bonne voie pour une médecine fondée sur l’humanisme ? », à l’occasion de la journée mondiale du diabète le 14 novembre 2020.
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