Pour avoir contracté le Covid le 10 juin 2021, une conseillère en dermocosmétique avait bénéficié pendant six mois d’un passe sanitaire, l’exemptant de se soumettre à l’obligation vaccinale à partir du 15 septembre. Mais à l’approche de l’échéance du 10 décembre – date d’expiration de son passe sanitaire -, comme elle n’était toujours pas vaccinée, ses employeurs, deux titulaires d’une pharmacie du centre-ville d’Amiens, lui ont signifié qu’elle devait impérativement régulariser sa situation.
Fin décembre, la salariée ne s’étant toujours pas soumise à l’obligation vaccinale visant les personnels des secteurs de la santé, elle s’est vue remettre à l’issue d’un entretien la suspension de son contrat de travail.
La conseillère en dermocosmétique ne s’est toutefois pas démontée. Assistée par le syndicat Sud commerces et services des Hauts-de-France, elle a saisi le Conseil de Prud’hommes, début février, afin de solliciter sa réintégration, le paiement de son salaire de janvier, ainsi que sa prime d’ancienneté. Cette quadragénaire, mère de famille, estime qu’en tant que conseillère en dermocosmétique, elle n’exerce pas dans le domaine du soin. « Cette officine de 50 salariés dispose de deux points d'encaissement », pointe Laurent Degousée, le juriste du syndicat. Il affirme par ailleurs que la suspension du contrat de travail contrevient aux articles 6, 8 et 9 de la convention 95 de l’Organisation internationale du travail (OIT) aux motifs que l’employeur ne peut restreindre la liberté du travailleur de disposer de son salaire. De même, insiste le syndicat, les retenues sur salaire ne sont autorisées que dans les conditions et limites prescrites par la législation nationale ou fixées par une convention collective ou une sentence arbitrale.
L'égalité de traitement en question
L'argumentaire n’a pas convaincu le Conseil de Prud’hommes. Par une ordonnance en référé rendue le 17 mars, il a débouté la salariée et jugé la suspension régulière. Comme l’avait rappelé l’avocat de la pharmacie, la loi du 5 août 2021, validée par le Conseil constitutionnel, prévoit à son article 12 l’obligation vaccinale pour les salariés de certains établissements des secteurs sanitaires, social et médicosocial, dont la pharmacie d’officine. Il en résulte depuis le 15 octobre, que si le salarié ne présente pas les documents requis, l’employeur l’informe des conséquences de cette carence. À défaut, son contrat de travail est suspendu. Le cas précis répond à ces obligations puisque les espaces de pharmacie et de parapharmacie ne font qu’un dans cette officine où la conseillère est employée depuis 2018, poursuit l’avocat des titulaires. Par conséquent, les salariés de ces deux activités sont amenés à évoluer dans un lieu unique, tout comme la clientèle ; la pharmacie ne dispose par ailleurs que d’un seul accès. Enfin, démontre le représentant des titulaires, aucun autre poste isolé ne peut être affecté à la conseillère en dermocosmétique, au sein de l’officine.
Le syndicat et la conseillère n'entendent cependant pas en rester là. Ils ont décidé de faire appel de la décision et ont saisi la Cour d'appel d’Amiens. Le syndicat se réserve même d'aller sur le fond et de déposer une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). « Il existe un angle mort dans la loi du 5 août 2021 car si on admet que l'officine est un lieu de soins à l'instar de l'hôpital, pourquoi ses clients ne sont-ils pas soumis à l'obligation vaccinale au même titre que les usagers des services hospitaliers, à l'exception des urgences ? Il y a selon moi une rupture d'égalité dans la mesure où le personnel de l'officine est obligé d'être vacciné mais pas les clients », expose Laurent Degousée, le conseil du syndicat Sud commerces et services des Hauts-de-France.
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