Comme les médicaments chimiques ont leurs génériques, les biomédicaments ont leurs biosimilaires. Mais si les biosimilaires doivent avoir le même principe actif, le même dosage et la même voie d’administration que leurs médicaments biologiques de référence, ils sont issus du vivant (micro-organismes, cellules…), naturellement variable, ce qui complique leur reproduction à l’identique.
Procédés de fabrication
Outre leur variabilité intrinsèque, les principes actifs d’origine biologique ont un autre inconvénient : ils sont, dans leur très grande majorité, de nature protéique. Or, les protéines utilisées sont le plus souvent de grande taille (de 200 à 1 000 fois plus grosses que les actifs chimiques) et leur structure moléculaire est complexe, ce qui empêche leur synthèse par voie chimique. Leur nature protéique les rend également très sensibles aux changements environnementaux. D’où des contrôles plus nombreux (250 contre 50 environ avec les médicaments chimiques) pour s’assurer de la qualité, la stabilité, la pureté et l’efficacité des biomédicaments. Toutes ces caractéristiques de variabilité, taille, structure et stabilité imposent d’ailleurs à tout médicament biologique d’être administré par voie injectable. Et elles ne permettent pas la fabrication de copies strictement identiques aux médicaments de référence - ni même entre elles. Les techniques de production - très souvent le procédé biotechnologique de l’ADN recombinant - sont complexes, élaborées, et la durée du processus bien plus longue que celle d’un médicament chimique : 6 à 9 mois, contre seulement quelques semaines.
Dossier d’AMM
In fine, les différences entre biosimilaires et médicaments biologiques référents sont infimes, mais elles ne doivent évidemment pas avoir d’impact sur l’efficacité, la sécurité d’emploi et la tolérance du traitement. D’où des prérequis précliniques et cliniques très contraignants. Les dossiers d’AMM sont cependant un peu allégés par rapport aux médicaments de référence : les études de phase 2, notamment, ne sont pas exigées, le dosage du biosimilaire devant être identique à celui du médicament biologique référent. Mais ils sont beaucoup plus complets que ceux des génériques. Alors que l’évaluation de ces derniers n’impose qu’un dossier de qualité et une étude de bioéquivalence, celle des biosimilaires impose des études comparatives de leurs propriétés physicochimiques, pharmacodynamiques, toxicologiques et cliniques. Il s’agit de déterminer la bioéquivalence du biosimilaire, autrement dit de savoir s’il a un comportement similaire à l’intérieur du corps, et de confirmer sa biosimilarité du point de vue de son efficacité, de sa sécurité et de l’immunogénicité, un paramètre essentiel.
Avantages économiques
En 2020, 6 médicaments biologiques figuraient dans le top 10 des médicaments les plus vendus dans le monde et la moitié des médicaments en cours de développement sont des molécules biologiques. C’est réjouissant car ces médicaments sont très innovants mais ils sont forcément très coûteux. En France, ils devraient représenter 32 % des dépenses de santé d’ici à 2024. On mesure les économies que pourraient générer les biosimilaires s’ils étaient davantage utilisés. En ville, leur prix correspond en effet à une décote de 40 % du prix des médicaments de référence qui, eux, diminuent de 20 %. À l’hôpital où ils sont soumis à un appel d‘offres, la baisse est d’environ 30 % pour les deux. Un rapport de la Cour des comptes de 2017 estimait qu’un plus large recours permettrait d’économiser plus de 680 millions d’euros par an. Selon une étude du GERS (Groupement pour l’élaboration et la réalisation de statistiques), 1,4 milliard d’euros ont été économisés grâce aux similaires entre 2008 et 2021.
Si l‘intérêt majeur des biosimilaires est économique, ils ont un autre avantage (d’actualité) : ils protègent contre les ruptures de stock et garantissent aux patients le maintien du traitement de leurs maladies, lourdes et invalidantes.
Arsenal déjà commercialisé
La liste des biosimilaires autorisés par l’EMA et inscrits sur la liste de référence de l’ANSM s’allonge de plus en plus. Les uns visent à pallier un déficit : hormones, facteurs de croissance. Les autres modifient la physiologie : anticoagulants, anticorps monoclonaux, protéines de fusion. Aujourd’hui, les molécules concernées sont : Adalimumab (Humira), Becacizumab (Avastin), Enoxaparine (Lovenox), Époétine alpha (Eprex), Etanercept (Enbrel), Filgrastim (Neupogen), Follitropine alpha, Infliximab (Remicade), Insuline asparte (Novorapid), Insuline glargine (Lantus), Insuline lispro (Humalog), Pegfilgrastim (Neulasta), Ranibizumab (Lucentis), Rituximab (Mabthera), Somatropine (Genotonorm), Teriparatide (Forsteo), Trastuzumab (Herceptin).
Débuts de la substitution en officine
En 2021, le taux de pénétration en ville des biosimilaires était de 25,3 %, loin de l’objectif de 80 % en 2022, fixé par le ministère de la Santé. Après la hausse obtenue grâce à l’hôpital, leur part plafonne car la stratégie de développement via les prescripteurs de ville a atteint ses limites. Comme pour les génériques, la substitution en officine (sauf mention expresse et justifiée du prescripteur) apparaît indispensable. L’Assurance maladie l’a compris mais seuls le filgrastrim et le pegfilgrastim sont substituables depuis avril 2022. Or les biosimilaires de ces deux molécules sont déjà très largement prescrits d’emblée ou interchangées par les médecins, les économies seront donc faibles. Mais c’est un début pour les pharmaciens. À condition néanmoins que la marge soit au moins égale à celle des médicaments référents et qu’une rémunération soit prévue à la clé…
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