AUJOURD’HUI, le plus souvent, le point de départ du processus est une hypothèse scientifique liée au développement des connaissances sur une maladie. En comprenant un mécanisme pathologique essentiel, les chercheurs mettent à profit les progrès de nombreuses disciplines à la frontière de la biologie, de la chimie et de l’informatique pour proposer une façon de bloquer ce mécanisme afin de lutter contre les causes de la maladie, ou pour permettre un mieux-être. Bien entendu, les axes de recherche sont aussi décidés en fonction de la stratégie d’entreprise.
À partir de là, les étapes qui conduisent (ou pas) à la mise au point et à la commercialisation d’un médicament, quel qu’il soit, sont toujours les mêmes :
1. Screening (criblage)
Des milliers de molécules sont testées systématiquement dans les modèles expérimentaux qui reproduisent le dysfonctionnement de la maladie à l’échelle moléculaire ou cellulaire. Cette étape permet de repérer celles qui pourraient avoir un intérêt thérapeutique. Suit une phase essentielle d’optimisation des caractéristiques physico-chimiques des composés les plus spécifiques et sélectifs pour les rendre administrables in vivo. Les plus prometteurs (les « leads ») seront alors testés au cours de développement préclinique.
2. Essais précliniques
Ils consistent à évaluer l’activité du candidat médicament dans des organismes vivants non humains. Ces études, très nombreuses et répondant à des normes internationales de qualité scientifique, sont constitutives d’une partie du dossier de demande d’AMM. Les études de pharmacologie ont pour but de valider son mécanisme d’action et de mesurer son activité dans des modèles expérimentaux de la maladie in vitro et in vivo chez l’animal de laboratoire. Légalement, une molécule doit être testée sur trois espèces animales différentes avant de passer aux essais cliniques, mais des méthodes alternatives (cultures de cellules humaines provenant de divers organes et tissus) permettent maintenant d’économiser des vies animales.
Les études de pharmacocinétique visent à décrire le comportement et le devenir du composé dans un organisme vivant. Classiquement, il s’agit de modéliser son absorption, sa distribution dans l’organisme et son métabolisme, c’est-à-dire la façon dont l’organisme procède à sa transformation et à son élimination. Les études de toxicologie établissent, quant à elles, quels sont les organes cibles et les doses toxiques du candidat médicament. Cette connaissance aide alors les chercheurs à déterminer les doses à administrer à l’homme au cours des essais cliniques, en appliquant des marges de sécurité de manière à réduire au maximum les risques liés aux premières expositions humaines.
3. Essais cliniques
Strictement encadré par des réglementations internationales qui garantissent le suivi médical étroit et la protection des participants aux études, le développement clinique se déroule en trois temps, dans le respect des Bonnes pratiques cliniques. En France, comme partout en Europe, le lancement d’une étude clinique n’est possible qu’après le feu vert accordé par les autorités de santé.
– Les études de phase I évaluent la tolérance au médicament (à de très faibles doses) sur un petit nombre de volontaires sains, le plus souvent rémunérés, hospitalisés pendant quelques jours afin de dépister d’éventuels effets secondaires.
– Les études de phase II, réalisées sur des petits groupes de malades (100 à 400), permettent d’ajuster au mieux la dose optimale en termes d’efficacité et de tolérance.
– Les études de phase III (études « pivots ») servent à évaluer le rapport bénéfice/risque du nouveau médicament chez plusieurs centaines ou milliers, voire dizaines de milliers de volontaires malades, exposés au médicament pendant des durées variables selon la pathologie et le mode d’utilisation du futur médicament, parfois plusieurs années. Il s’agit d’études comparatives, versus placebo ou le plus souvent versus le traitement de référence de la maladie. Cette phase, capitale, permet de confirmer l’efficacité du médicament.
Quand les trois étapes sont franchies avec succès, les données sont intégrées au dossier qui sera présenté aux autorités sanitaires pour recevoir l’AMM. Après la mise sur le marché, d’autres études cliniques dites de phase 4 sont encore nécessaires. Elles consistent à répertorier d’éventuels effets secondaires apparus plus tard et visent à améliorer les conditions d’utilisation du médicament.
4. Autorisation de mise sur le marché
Les données scientifiques issues de la phase de R & D sont compilées par le laboratoire pharmaceutique dans un dossier d’AMM déposé auprès de l’autorité compétente, soit nationale (dorénavant l’ANSM en France), soit européenne, L’European Agency for the Evaluation of Medical products (EMEA), basée à Londres. Ce dossier comporte plusieurs parties techniques (concernant la qualité, la sécurité et l’efficacité du médicament), accompagnées d’éléments d’aide à l’utilisation du médicament par les médecins et les patients : Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP), notice patient et informations d’étiquetage.
Pour les nouveaux médicaments destinés à être commercialisés dans plusieurs pays, l’accès au marché est communautaire dans l’Union européenne depuis 1998, mais plusieurs voies sont possibles. La procédure centralisée, obligatoire pour les médicaments issus des biotechnologies et optionnelle pour les autres, donne d’emblée l’autorisation pour tous les pays membres de l’UE. Dans la procédure de reconnaissance mutuelle, le laboratoire dépose son dossier auprès de l’autorité nationale compétente de l’un des états membres, mais une fois accordée, celle-ci peut être étendue aux autres états membres. Lors de la procédure décentralisée, le laboratoire dépose son dossier simultanément auprès des autorités de tous les états de l’UE et l’évaluation est menée par un état choisi comme état membre de référence. Si l’autorisation est accordée, elle l’est en même temps dans tous les états membres.
La procédure nationale, de moins en moins utilisée, ne s’applique qu’à des demandes de mise sur le marché limitées au pays. Le dossier d’AMM passe ensuite devant la Commission de Transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui donne son avis sur le SMR (service médical rendu) et l’ASMR (amélioration du service médical rendu). L’étape de la fixation du prix et du taux de remboursement peut alors commencer.
5. Fabrication
Le passage d’une production expérimentale à la production industrielle mobilise des compétences très diverses allant du développement galénique, adapté à la maladie (conditions de prise, vitesse nécessaire de passage dans le sang et les tissus et d’élimination par le corps) à la maintenance industrielle. À chaque étape correspond un code de bonnes pratiques de fabrication, avec un système de contrôle de qualité, une traçabilité de chaque lot et des procédures d’alerte et de rappels d’éventuels lots défectueux.
La production se déroule en 6 étapes : pesage du principe actif en poudre ; mélange des excipients (eau, sucre...) ; séchage de la poudre destinée aux formes solides (avec compression, enrobage et dragéification pour les comprimés) ; conditionnement primaire (encapsulage, mise sous blisters, en sachets, flacons, ampoules, etc.) ; conditionnement secondaire (mise en boîtes, ajout de notices, collage de vignettes) ; enfin mise sur palettes et stockage en attendant l’envoi aux grossistes.
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