Le Quotidien du pharmacien. - Quelle motivation ressentez-vous le plus souvent chez les pharmaciens candidats à la formation à la vaccination ?
Christine Caminade. - Avant tout, j'observe l'énorme engouement et la motivation profonde des pharmaciens pour cette nouvelle mission. Dès la première année d'expérimentation les pharmaciens étaient très motivés à se former, et leur motivation s'est encore accrue la deuxième année avec l'extension à l'Occitanie et aux Hauts-de- France. Même si, c'est vrai, certains d'entre eux ont un peu attendu que les confrères essuient les plâtres pour venir ensuite rejoindre le mouvement. L'engouement a été tel qu'Agnès Buzyn a décidé, dès la fin de la première année de raccourcir la période expérimentale - par abrogation de la loi qui l'instituait pour 3 ans - et d'en faire une mission nationale. Ces formations ont vraiment été un franc succès auprès des officinaux. Avec une réelle envie d'y aller, mais aussi parfois quelques réticences au début de la session, qui finissaient toujours par disparaître au cours de la formation.
Le niveau de connaissance des officinaux, lorsqu’ils se présentent à la formation, est-il conforme à vos attentes ?
Ce niveau de connaissance est parfaitement objectivé puisque la loi nous oblige à réaliser une évaluation des connaissances des pharmaciens qui participent à la formation. Ce test est réalisé en tout début de session, et renouvelé à l'identique à la fin. Ces questionnaires nous ont permis de constater que la remise à niveau était indispensable. Sur le geste proprement dit, certains pharmaciens étaient totalement néophytes, d'autres déjà un peu expérimentés. La plupart venaient avec l'idée d'apprendre simplement un geste, et nous avons dû leur expliquer qu'au-delà du geste technique, cette journée de formation visait aussi à remettre à niveau leurs connaissances sur le pourquoi de la vaccination, en général, et de la vaccination contre la grippe en particulier. Leur rappeler également ce que sont les virus grippaux et les conséquences de la grippe. Cette « piqûre de rappel », même à des docteurs en pharmacie, n'est pas superflue. Car ils ne se rendent pas toujours compte de l'incidence réelle de l'infection et de la nécessité de définir un public cible. C'est aussi le rôle des formateurs d'expliquer aux pharmaciens, adjoints et titulaires, pourquoi cette mission leur a été confiée. Leur dire et redire pourquoi le ministère de la santé leur a demandé de contribuer à l'augmentation du niveau de couverture vaccinale de ce public cible. Et ce n'est pas inutile. Car, faut-il le rappeler, à 46,8 % de couverture la deuxième année de la campagne, nous sommes encore bien loin des objectifs fixés par l'OMS de 75 % !
Quels sont les principaux freins ou obstacles à l’apprentissage du geste par les pharmaciens ?
Ces blocages ou ces freins sont très « pharmaciens dépendants ». Certains nous disent : « je ne veux pas me fâcher avec l'infirmière qui passe tous les deux jours à l'officine », « c'est une mission trop chronophage », « je ne veux pas avoir à répondre à des objections de la part des clients ». D'autres encore évoquent carrément la crainte de menaces de la part des infirmières…
Dans un autre domaine, certains officinaux répugnent à effectuer un geste médical, à toucher le malade, ou simplement à « piquer les gens ». Dans ce dernier cas, nous leur répondons, « il ne s'agit pas de piquer les gens, mais de les vacciner ! »
Et puis enfin il y a aussi la crainte de ne pas savoir bien réagir en cas d'effets secondaires à la vaccination.
Quelles sont les questions les plus fréquentes posées par les « élèves-pharmaciens » ?
D'abord, par rapport aux éventuels effets secondaires que j'évoquais à l'instant. Lorsqu'on m'interroge sur la nature et la fréquence de ces effets, je retourne généralement la question : « l'an passé, alors que vous ne preniez pas encore en charge l'acte vaccinal, quels effets indésirables sont arrivés jusqu'à votre comptoir ? » La réponse est souvent : « aucun, ou alors une petite douleur au point d'injection… » Et c'est tout. Donc il convient de simplement rassurer les officinaux sur ce point. L'autre question qui revient souvent concerne la responsabilité médicale engagée et donc la nécessité, ou non, de prévenir son assureur.
Étonnamment, nous avons rencontré quelques antivax parmi les pharmaciens candidats à la vaccination. Ils évoquent généralement la question des adjuvants. Mais le plus souvent, au terme de la journée, ils repartent en remerciant le formateur de les avoir éclairés… car il n'y a pas d'adjuvant dans le vaccin de la grippe !
Pensez-vous que le cahier des charges de cette formation à la vaccination est adapté ?
Le nombre de participants est un point important. Si nous avions des groupes de 7 stagiaires, les 6 heures de formation pourraient suffire. Mais la plupart de nos formations réunissent 10 ou 15 personnes. Et lorsque vous savez qu'il faut compter déjà 10 minutes pour l'évaluation de chaque stagiaire à la fin de la formation, 2 ou 3 participants de plus, c'est 20 ou 30 minutes de plus prises sur la journée… Or ça, c'est un point positif de nos formations, nous tenons à réaliser des évaluations in-di-vi-duelles.
De notre côté, avec l'UNOFormation que je préside, nous avons réalisé une vidéo que nous avons pris soin de faire valider par une infirmière cadre de soins et par le Pr Pierre Bégué (président du comité technique des vaccinations). Ce film, qui montre l'injection en intramusculaire et en sous-cutané dans tout le détail des différentes séquences du geste, vise à mettre le pharmacien dans une posture de confiance. Nous l'incitons à pratiquer le geste assis et à prendre en compte la dimension psychologique de la relation avec la personne qu'il vaccine. Celle-ci peut avoir peur de l'aiguille ou craindre la douleur. C'est donc à une approche clairement psycho-relationnelle, dans une posture de confiance, que nous invitons le vaccinateur. C'est seulement à ces conditions que le geste sera sûr et exécuté de façon positive.
Quels retours avez-vous des pharmaciens devenus vaccinateurs ?
Hier encore, une consœur à qui je demandais comment se passait la vaccination, m'a répondu : « ça se passe très bien. C'est chouette ! » Tous les témoignages me le confirment. Ce geste change complètement la relation avec la patientèle. La personne que reçoit le pharmacien n'est pas malade, l'officinal est alors totalement dans son rôle d'acteur de prévention.
L’extension à d’autres vaccinations sera-t-elle selon vous aisée ?
Difficile de prévoir l'avenir ! Mais ce qui est sûr, lorsque nous observons ce qui se passe dans les autres pays, c'est que la vaccination antigrippale est toujours la première marche vers d'autres vaccinations. Au vu du succès que remporte la campagne actuelle, je ne vois pas pourquoi il en serait autrement en France.
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