L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a rendu public hier les rapports définitifs de l’inspection menée à l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille et à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM). Face aux « graves manquements et non-conformités » de recherches « impliquant la personne humaine », elle attaque de nouveau l’IHU au pénal et entame une procédure administrative.
Après l’inspection menée en novembre, faisant suite aux signalements de lanceurs d’alerte, l’ANSM dévoile les « graves manquements et non-conformités » d’essais cliniques menés à l’IHU de Marseille, « notamment sur le plan éthique », et saisit la justice pénale. Le lourd réquisitoire de l’agence fait état d’infractions à la réglementation des recherches impliquant la personne humaine et pointe « les modalités de mise en œuvre, les conditions de prélèvement et d’utilisation des échantillons des personnes incluses dans les recherches », tout comme « les modalités de recueil du consentement et d’information des participants ». Des essais ont ainsi été engagés sans obtenir l'avis obligatoire d'un comité indépendant ni, parfois, le consentement de tous les patients examinés. C'est par exemple le cas de prélèvements rectaux réalisés au début des années 2010 sur des enfants atteints de gastro-entérite. Pour des dizaines d'entre eux, le consentement des parents est absent.
Devant la justice, l’ANSM accuse à nouveau l'IHU dirigé par Didier Raoult d'avoir mené des essais irréguliers, et y ajoute désormais une autre charge : lui avoir communiqué un faux document en amont de l’inspection pour justifier le lancement de l'une des recherches incriminées. En parallèle des suites pénales, l’ANSM annonce des suites administratives. Elle lance une procédure contradictoire avec l’IHU et l’AP-HM pour « suspendre les recherches réalisées sans sollicitation d’un comité de protection des personnes » et pour les enjoindre « à se mettre en conformité avec la réglementation ».
L’ANSM poursuit, par ailleurs, ses investigations conduites avec la mission de l’Inspection générale des affaires sanitaires (IGAS) et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) concernant le traitement de patients atteints de tuberculose. Elle précise en effet que « si nous n’avons pas, à ce stade, identifié d’éléments prouvant la mise en œuvre d’un essai clinique non autorisé (…), nous avons néanmoins mis en évidence l’utilisation de combinaisons d’antibiotiques différentes des recommandations internationales et potentiellement dangereuses pour les patients ».
Des faits dénoncés par « Mediapart » en octobre 2021, qui détaillait l’utilisation depuis au moins 2017 de deux protocoles à base de quatre antibiotiques : la clofamizine, le pyrazinamide (qui figurent dans les recommandations de l’OMS mais avec une efficacité limitée pour l’une et faible pour l’autre), la sulfadiazine (ou un autre antibiotique non évalué dans la tuberculose) et la minocycline (hors liste OMS, la sulfadiazine et la minocycline n’ont pas prouvé leur efficacité contre la tuberculose chez des modèles animaux). Selon « Mediapart », l’IHU aurait demandé une autorisation de mener des essais avec ces traitements en 2019 et 2020 mais avait essuyé un refus de l’ANSM. Des lanceurs d’alerte avaient évoqué l’utilisation de « patients précaires, souvent étrangers (…) qui ne se doutent même pas qu’ils ont été utilisés pour des essais interdits » et qui, pour certains, ont eu de graves complications médicales liées au traitement et ont parfois fini « en urgence au bloc opératoire pour des complications rénales qu’on aurait pu éviter ».
L’ANSM note, pour sa part, que la fréquence des événements indésirables graves sur la période 2019 apparaît élevée et procède à des analyses complémentaires sur tous les patients traités sur la période 2016-2021. « En parallèle, nous poursuivons l’examen de la qualification de plusieurs autres recherches, en lien avec la mission IGAS/IGESR toujours en cours au sein de l'AP-HM et de l’IHU. »
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