LES CHOSES VONT si vite que les quotidiens du matin, annonçaient un peu trop tôt vendredi, le triomphe de Dominique de Villepin. La veille, les commentaires convergeaient à propos d’une nouvelle défaite de Nicolas Sarkozy qui s’ajoute aux précédentes, du danger que l’ancien Premier ministre faisait peser sur la candidature éventuelle de M. Sarkozy à un second mandat, et même de l’avenir de la France. L’appel de M. Marin annule ces spéculations et renvoie le procès à son début. M. de Villepin n’a pas manqué de souligner l’acharnement inlassable ou la haine que lui voue le président, ses avocats et amis n’ont pas manqué de démontrer que le chef de l’État n’est pas la victime qu’il prétend être et que la vraie victime de ce « complot » est Dominique de Villepin, il demeure que celui-ci se retrouve ligoté par la justice pendant un temps précieux, ces mois au cours desquels il aurait pu construire une candidature contre M. Sarkozy. Du point de vue politique, sinon judiciaire ou moral, c’est Dominique de Villepin qui essuie une grave défaite. Ce qui aggrave le soupçon d’une ingérence du pouvoir.
L’appel, intejeté par un homme qui aura mesuré toutes les conséquences politiques (et même historiques) de sa décision, qui aura sans doute compris qu’il prenait une énorme responsabilité et dont personne ne peut dire si, oui ou non, il a été influencé par le pouvoir (ce qu’il s’est empressé de démentir), est-il justifié en droit ? Les attendus du tribunal ne sont pas aussi sévères pour M. de Villepin que l’entourage de M. Sarkozy veut bien le dire. Mensonges ou contradictions de l’accusé sont mentionnés, mais les juges insistent sur l’absence totale de preuves. Il n’existe, disent-ils, aucun moyen de démontrer la culpabilité de l’ancien Premier ministre. En conséquence de quoi, il fallait le relaxer. Et la justice serait passée.
Jean-Claude Marin s’appuie sur ce qu’il considère comme une sérieuse distance entre les attendus et le jugement. Il n’est pas impossible qu’il souhaite aller plus loin dans la recherche de la vérité. Si Jean-Louis Gergorin et Imad Lahoud ont pu les apprentis sorciers de la manipulation, on imagine mal qu’ils l’aient conçue seuls et qu’il n’y eût aucun personnage politique derrière la tentative de diffamer Nicolas Sarkozy. Si ce personnage n’est pas M. de Villepin, qui est-ce ? Il est même curieux que l’opinion se contente d’une relaxe qui ne fait pas vraiment la lumière sur les faits.
Jugement dernier.
Devons-nous nous contenter du mystère ? M. Sarkozy a très vite administré la preuve de son honnêteté (il n’a pas de compte en banque à l’étranger) et même si un complot a été fomenté contre lui, ce qui est très grave, il est indemne et, en plus, chef de l’État. Dominique de Villepin a joué avec le feu mais en définitive, il n’a pu causer de tort à personne. Dans ces conditions, pourquoi ne pas en finir ? Le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, a le droit de placer la justice au-dessus de tout. C’est ce qui est souhaitable en bonne démocratie. Cependant, il savait qu’il serait accusé de céder à une pression de l’exécutif et, sur ce point, la conviction de l’opinion ne variera pas. M. Marin, la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie et le président devront porter le fardeau de ce soupçon jusqu’au jugement dernier : les élections générales de 2012. Si le chef de l’État avait tiré la bonne leçon de l’affaire Clearstream, qui l’a montré sous le jour détestable de la rancune tenace et de la détestation irrépressible, toutes choses qui nuisent, comme beaucoup d’autres, à sa stature présidentielle, il aurait exercé une pression sur le procureur pour qu’il ne fasse pas appel ! L’Élysée et l’UMP sont les premiers à dire, après tout, que Dominique de Villepin, jamais élu, privé de réseaux et d’argent et dont le soutien populaire est encore confidentiel, n’a pas de chances sérieuses de battre Nicolas Sarkozy dans une sorte de primaire à droite. Alors ? Pourquoi Sarkozy ne s’est-il pas donné le beau rôle pour une fois ? L’opinion est infiniment plus indulgente pour les modestes et les timides que pour les gens agressifs. M. Sarkozy, essayez la gentillesse.
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