L’AFFAIRE CLEARSTREAM a au moins le mérite de nous rappeler que, avant que le PS ne fût divisé et inopérant, des failles immenses existaient au sein de la majorité. Ce qui explique d’ailleurs la grogne croissante de bon nombre de députés UMP hostiles au président de la République. Il est impossible de s’en tenir à une analyse strictement judiciaire du scandale, qui ne peut être compris que sous l’angle politique. Pour résumer les faits, un vice-président d’EADS, Jean-Louis Gergorin, a montré en 2004 à Dominique de Villepin, alors ministre de l’Intérieur, des listes de détenteurs de comptes chez Clearstream, banque dont le rôle consiste essentiellement à transférer les débits et les crédits entre pays européens. Sur ces listes figuraient, entre autres, le nom de Nicolas Sarkozy. Il y a cinq ans, M. Sarkozy ne cachait pas son désir d’être le candidat de la droite à la présidence en 2007. Il estime qu’un complot, ourdi par M. de Villepin, visait à le faire chuter, d’autant que Jacques Chirac et ses amis entendaient bien lui barrer la route. Par la suite, il a été prouvé que les listes ont été falsifiées et des noms ajoutés par l’informaticien Imad Lahoud. Jean-Louis Gergorin affirme qu’il l’ignorait mais, de toute façon, il semble bien que, à la demande de Dominique de Villepin, il ait transmis ces listes au juge Renaud Van Ruymbeke sans en avoir vérifié l’authenticité.
Innocent en diable, Nicolas Sarkozy a porté plainte contre X, bien que la justice l’ait très vite exonéré. Contre X, c’est la formule, mais l’homme qu’il vise, c’est Dominique de Villepin, lequel, même s’il n’est pas coupable d’avoir connu la falsification avant la transmission des listes à la justice, a dévoilé le côté obscur de son personnage par l’intérêt personnel et excessif qu’il a apporté à l’affaire. Quant à M. Sarkozy, malgré sa victoire électorale, il n’a pas jugé utile de retirer sa plainte. Sa rancune et son goût de la vengeance ne conviennent guère à un président censé se hisser au-dessus de la mêlée. Villepin surnomme Sarkozy « le nain », Sarkozy a déclaré qu’il espérait « pendre le coupable à un croc de boucher ». L’ancien Premier ministre n’a pas tort de dire que le président actuel se sert de sa fonction pour peser de toutes ses forces sur la justice, qui aura beaucoup de mal à trouver M. de Villepin innocent si elle veut échapper aux foudres du chef de l’État ; mais qui, après tout dispose là d’une occasion de prouver son indépendance. Le combat, violent, serait donc aussi inégal.
La défense, c’est l’attaque.
Et c’est sans doute pourquoi Dominique de Villepin attaque à son tour. Selon lui, Nicolas Sarkozy « a su plus tôt, beaucoup plus tôt qu’il ne l’a dit ». Autrement dit, Sarkozy s’est servi de l’affaire pour assurer son triomphe politique. C’est pourquoi, aussi, l’ex-second de Chirac (les débats risquent d’éclabousser le président retraité) occupe les plateaux de télévision et les studios des radios avec un zèle et une fréquence extrêmes. Cela fait des mois qu’il plaide déjà pour sa propre cause devant les journalistes ravis de la bagarre et qu’il critique, avec une férocité digne de l’extrême gauche, l’action du pouvoir. Il n’est pas aussi démuni qu’il le dit face à celui qui l’accuse, fût-il président de la République. Dominique de Villepin dispose en effet, dans le pays, d’un capital de sympathie. Les Français se souviennent, les yeux embués, du discours qu’il a prononcé à l’ONU en 2003 pour dénoncer l’intervention imminente des forces américaines en Irak. Ils connaissent sa culture (il est poète, historien, écrivain, admirateur de Napoléon auquel il tente de ressembler), son allure magnifique, sa classe. Ils oublient qu’il ne s’est jamais présenté à une élection, qu’il est l’auteur de la dissolution de 1997 (un désastre pour la droite et pour Chirac), l’inventeur entêté du CPE (Contrat première embauche) qui a embrasé la France. C’est un romantique qui, un peu comme Chirac du temps de sa jeunesse, fonce tête baissée dans la mêlée sans savoir très bien à quoi sert la bataille. C’est, à n’en pas douter, un homme debout en toute circonstance, quand il s’agit de porter l’estocade à l’Amérique ou quand il s’agit de défendre son honneur.
Un chevalier de la Table ronde, en quelque sorte. Qui sait dans quel fossé où sa belle nature aurait basculé ce romantique qu’on voudrait aimer a poussé le calcul politique ? Qui sait sur quelle crête impraticable il a glissé, passant du courage du combattant à la vilénie du conspirateur ? Qui sait dans quelle officine insalubre son panache blanc s’est noirci ? On peut craindre que la vérité ne soit dite et qu’elle nuise une fois de plus à la classe politique.
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