Alors que le Covid se répandait à travers le monde, un véritable chaos est apparu quand, loin de présenter un front uni, les institutions, les gouvernements et les professionnels de santé s’entre-déchiraient sur les mesures à adopter et les traitements à utiliser. Résultat ? Une augmentation de la méfiance des citoyens envers l’OMS et les autorités gouvernementales. Mais aussi des professionnels de santé envers leurs propres institutions. Et dans la course à celui qui trouvera le remède miracle, beaucoup se sont affranchis des réglementations…
Une succession de polémiques
De nombreuses polémiques ont éclaté lors de la crise du Covid. Les plus connues sont sans doute celles autour de la chloroquine puis de l’hydroxychloroquine. Ces molécules utilisées notamment contre le paludisme, furent promues par le Pr Raoult, qui se basait sur des études non contrôlées portant sur quelques dizaines de cas cliniques et, de l'aveu même de ses équipes, en falsifiait les résultats… Des débats passionnés ont occupé l’essentiel de l’espace médiatique pendant des mois, avec d’innombrables études et contre-études portant sur l’efficacité de ces molécules.
L’ivermectine, un antiparasitaire intestinal, a suivi une trajectoire similaire, après qu’une étude australienne publiée en avril 2020 et réalisée sur des cellules en laboratoire a présenté des résultats encourageants. Une autre, menée par l’institut Pasteur en juillet 2021, montrait que sa prise sur un animal permettait de réduire les symptômes et la gravité de l’infection. Des résultats que beaucoup avaient interprétés à tort comme la preuve de l'efficacité de l’ivermectine pour guérir du Covid.
Des traitements alternatifs en pagaille
Le refus en France d'autoriser ces deux traitements dans l'indication Covid favorisa un climat de défiance vis-à-vis de la gestion de la pandémie, provoquant d’innombrables théories du complot et la popularisation de nombreux traitements « alternatifs », prescrits hors AMM et présentés comme aptes à ralentir l’épidémie.
On se souvient ainsi de ces trois médecins de Moselle qui avaient prescrit à leurs patients des cocktails de médicaments mêlant l’azithromycine au zinc, de l’héparine et des antiasthmatiques. D’autres prescripteurs en Haute-Savoie et dans le Loiret préconisaient, eux, l'utilisation d’antihistaminiques pour lutter contre la maladie, se fondant sur une étude portant sur… 26 patients.
Des méthodes foulant aux pieds les principes de précaution et les canons de recherche cliniques, au point que Jacques Battistoni, le président de MG France (Syndicat des médecins généralistes), les avaient qualifiés « d'essais sauvages ». Illustrant l’état d’esprit de ces médecins prescrivant leurs propres remèdes, un d’entre eux, le généraliste Stéphane Arminjon avait déclaré au « Parisien » : « On est en guerre, on nous l'a dit. Il n'y a qu'une seule règle, c'est gagner. »
Partout en France, des protocoles sauvages virent le jour, incluant parfois des sodas, ou des granules homéopathiques. Le collectif « Laissons les médecins prescrire » fondé par l’ex députée LREM Martine Wonner, devenue figure complotiste (notamment apparue dans le documentaire « Hold-Up »), proposait des « voies thérapeutiques précoces » pour lutter contre la maladie. Un réseau de médecins covido-sceptiques appelé « Coordination santé libre », avait même diffusé partout sur les réseaux sociaux un protocole anti-Covid-19. Ce dernier était un tissu de recommandations thérapeutiques peu sérieuses en l'espèce (phytoaromathérapie, homéopathie, acupuncture…) pour un traitement vendu hors de prix : plus de 300 euros !
Les pharmaciens face aux prescriptions hors AMM
En première ligne, beaucoup de pharmaciens se sont donc retrouvés face à des patients porteurs d'ordonnances atypiques qui comportaient de plus en plus de molécules prescrites hors AMM par les médecins au gré des débats médiatiques. Certes, les prescriptions hors AMM ne sont ni illégales, ni rares. Elles représentent même 20 % des ordonnances. Mais ce type de prescription doit respecter certaines règles. Elle n’est valable que si elle répond à un vrai besoin thérapeutique du patient, que si le rapport bénéfice/risque de la prise du médicament est favorable, et qu’il n’existe pas d’alternative thérapeutique.
Exit donc les prescriptions fantaisistes sous prétexte de la liberté de prescription du médecin, dont beaucoup ont abusé. Face à ces débordements passés et futurs, il n'y a toutefois pas de quoi désespérer : le dernier mot revient toujours au pharmacien, qui peut, selon l’article R. 4 235-61 du code de la santé publique, refuser de dispenser un médicament s’il estime que ce dernier est mauvais pour la santé du patient.
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