Le « gros avenant » prévu au second semestre 2023 est en fait le second volet de la nouvelle convention pharmaceutique signée en mars dernier. D’un commun accord, les partenaires avaient décidé de s’atteler en premier lieu au volet métier, avant de se pencher, hors période Covid, sur l’économie de l’officine. Ce qui devrait donner lieu à la refonte de certaines rémunérations. La FSPF n’a pas attendu pour travailler sur le sujet et a dévoilé ses premières pistes le 31 janvier dernier, profitant de la présence de Thomas Fatôme, directeur général de l’assurance-maladie, à la dernière étape de son « Tour de France » pour présenter les différentes mesures de la nouvelle convention.
« Le président de la République souhaite élargir les missions des pharmaciens, il parle d’un pharmacien référent permettant aux Français de bénéficier du renouvellement d’ordonnance, de la vaccination, du dépistage, de l’éducation thérapeutique. Il veut aussi que le ministère de la Santé, avec les parties prenantes, identifie les évolutions nécessaires aux protocoles de coopération d’ici au 1er mars prochain », rappelle Philippe Besset, président de la FSPF. S’appuyant sur ces déclarations, il propose quatre nouvelles rémunérations à inscrire dans le futur avenant économique.
Renouvellement d’ordonnances
La première serait associée à l’amendement du gouvernement intégré à la proposition de loi (PPL) sur l’accès direct portée par la députée Stéphanie Rist, visant à permettre aux pharmaciens de renouveler les ordonnances périmées durant trois mois, mois par mois, pour les patients chroniques dont « le médecin prescripteur n’est pas disponible dans un délai compatible avec (leur) état de santé ». Une bonne solution de dépannage selon Philippe Besset, mais qui demande du travail pour s’assurer de l’indisponibilité du médecin, « vérifier dans l’ensemble des traitements ceux qui sont renouvelables et dans quelles conditions », garantir la traçabilité de l’acte du pharmacien et informer le prescripteur. Ce qui doit donner lieu à un honoraire de dispensation pour le renouvellement de traitements chroniques. « C’est typiquement une mission du pharmacien correspondant, remarque Philippe Besset, mais sans tous les blocages actuels. »
La FSPF imagine, par ailleurs, un honoraire de dispensation protocolisée. Il serait déclenché dans le cadre de soins non programmés pour certains médicaments. « À côté des médicaments à prescription médicale obligatoire (PMO) et ceux à prescription médicale facultative (PMF), nous proposons de créer une 3e catégorie de médicaments pouvant être dispensés sous protocole par le pharmacien, potentiellement admissibles au remboursement, permettant de répondre à des besoins évidents comme la cystite ou l’infection dentaire. C’est faisable puisque c’est exactement ce que nous avons fait pour la pilule du lendemain. » Pour voir le jour, cette proposition nécessiterait une modification législative et une rémunération spécifique.
Interventions pharmaceutiques
Le syndicat préconise également la création d’un honoraire de dispensation pour les interventions pharmaceutiques (IP) sur les ordonnances (arrêt d’un traitement, ajout d’un médicament, modification de dosage…). Une demande que la FSPF avait déjà plaidée devant de précédents directeurs de l’assurance-maladie, qui répondaient invariablement que cela ne pouvait voir le jour sans l’ordonnance numérique. « Maintenant qu’elle arrive et que les interventions pharmaceutiques sont listées dans son cahier des charges, l’assurance-maladie va pouvoir comparer dans ses flux électroniques l’ordonnance du médecin et ce que le pharmacien en fait. C’est donc le moment de créer cet honoraire qualité. » Selon un rapport de l’IGAS datant de 2011, les IP concernent 1 % à 2 % des 600 millions d’ordonnances délivrées chaque année.
La quatrième rémunération envisagée servirait à convaincre des pharmacies isolées, sans lesquelles la continuité des soins serait compromise, de ne pas mettre la clé sous la porte. Philippe Besset prend l’exemple d’une officine de la vallée de l’Aude, dans le pays de Sault, qui dessert 2 200 habitants de 29 villages qui ont perdu leur dernier médecin généraliste et sont à 30 minutes de la ville la plus proche, tenue à bout de bras par deux pharmaciens dont l’un prend sa retraite. « Ma consœur me dit qu’elle va fermer, je lui dis non, je ne veux pas que tous ces gens se retrouvent sans médecin et sans pharmacien, mais je n’ai pas de solution. » Sa proposition : inventer une rémunération pérenne « pour que les gens restent dans les territoires », que ce soit sous la forme d’une majoration des actes « comme on le fait pour l’outre mer » ou d’un « honoraire pour la continuité des soins ».
Situation économique à optimiser
L’assurance-maladie est prête à étudier ces quatre rémunérations nouvelles. « Je ne suis pas surpris que des demandes d’honoraires supplémentaires soient déjà faites. Ce sont de gros sujets sur lesquels je ne vais pas répondre par oui, non ou peut-être mais (…), mettons-les à l’instruction et à la discussion partagée pour voir comment on peut nourrir nos discussions de 2023. » Thomas Fatôme reconnaît par ailleurs le besoin de simplification des protocoles de coopération et souhaite avancer « en même temps sur l’exercice coordonné et sur davantage d’actes pris en charge, et pas seulement ceux issus des médecins ». Le directeur de l’assurance-maladie s’est montré plutôt en accord avec les constats de la FSPF, notant par exemple que le renouvellement d’ordonnance demande du travail et que la nécessaire information du médecin doit être simple et sécurisée grâce aux outils désormais à disposition (messagerie de santé sécurisée, espace numérique en santé).
Les sujets d’une dispensation protocolisée de médicaments intermédiaires, des IP en faveur du bon usage des produits de santé et des zones de fragilité du réseau pharmaceutique, « doivent être regardés à froid et nous y sommes prêts ». Au-delà, c’est toute l’économie officinale qui va être étudiée dans le détail sur plusieurs années, et notamment 2022 et sa forte inflation, ainsi que le premier semestre 2023 « après Covid ». « C’est la bonne méthode pour discuter, au 2e semestre, de nouvelles étapes financières », ajoute Thomas Fatôme, qui se veut rassurant : « On a un réseau officinal qui maille le territoire et rend service aux assurés, on est donc attentif à optimiser sa situation économique. »
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