Médicaments à base de codéine et de dérivés morphiniques en 2017, vasoconstricteurs par voie orale officiellement déconseillés en 2023… Prises dans un objectif de santé publique, ces mesures n’en ont pas moins réduit considérablement l’arsenal des pharmaciens français au cours des dernières années. Et restreint d’autant le périmètre du parcours de soins officinal (PSO), c’est-à-dire la dispensation de médicaments de prescription facultative par le pharmacien.
Dans 23 % des cas, le Français soigne ses « maux du quotidien » à l’aide d’un médicament de prescription facultative, des compléments alimentaires ou encore des dispositifs médicaux grand public, accessibles sans ordonnance en pharmacie, sur le conseil de son pharmacien
Un pharmacien qui se sent parfois démuni face aux demandes de patients souffrant en moyenne cinq fois par an de l’un des « maux du quotidien ». La France ferait-elle figure d’exception dans le paysage pharmaceutique européen ? C’est en tout cas le constat d’une étude réalisée par PwC Strategy & pour NèreS qui s’est penchée sur 99 molécules en libre accès dans cinq pays européens (65 au Royaume-Uni, 41 au Portugal, 40 en Allemagne, 34 en Italie et 29 en Espagne) mais pas en France. Selon les projections effectuées par PwC Stratégie &, un délistage de ces médicaments d’aires thérapeutiques aussi diverses que le système respiratoire, la dermatologie, le système digestif, le système nerveux, le système musculosquelettique et le système génito-urinaire permettrait non seulement aux pharmaciens français de répondre aux besoins de leurs patients. Mais il dégagerait également entre 201 millions et 377 millions d’euros d’économies à l’assurance maladie, dont 42 % sur le poste des médicaments, et 99 millions à 184 millions d’euros aux assurances complémentaires.
144 millions de maux du quotidien traités à l’officine
Mais une telle évolution supposerait à la fois un changement de doctrine des autorités sanitaires et une mutation sociétale. Car alors que dans 23 % des cas, le Français soigne ses « maux du quotidien » à l’aide d’un médicament de prescription facultative, des compléments alimentaires ou encore des dispositifs médicaux grand public, accessibles sans ordonnance en pharmacie, sur le conseil de son pharmacien, l’Anglais fait appel à son officinal dans 27 % des cas, l’Allemand dans 47 %. « Cette différence pour la France s’explique par une différence de culture et une approche de soin très orientée vers les médecins. De plus, dans un pays comme la France, la perception de la gratuité du soin est un frein à l’orientation des patients vers le parcours officinal », relève PwC Strategy &.
Un tel élargissement du parcours de soins officinal serait cependant vertueux à plus d’un titre, estime NérèS. Il ne se contenterait pas de réduire le poste médicaments de l’assurance-maladie, il soulagerait d’autant le système de santé en réduisant les consultations médicales. Car, rappelle NérèS, chacune de ces prises en charge à l’officine des maux du quotidien, évitant de passer par la case médecin, génère déjà aujourd’hui une économie de 21,82 euros à l’assurance-maladie (10,50 euros aux assurances complémentaires). « Multipliée par 144 millions de maux du quotidien traités à l’officine, cela revient à une économie de 3,142 milliards d’euros pour l’assurance-maladie par an », quantifie NérèS. Par conséquent, ce sont au total 144 millions de consultations médicales qui sont ainsi évitées. Et autant de temps médical libéré pour des pathologies chroniques ou plus complexes. Ou encore, deux heures de travail quotidien par médecin généraliste. Sans ce parcours de soins officinal (PSO), le recrutement de 13 650 médecins généralistes serait nécessaire, pointe l’étude.
La prise en charge directe des patients par le pharmacien prend une place grandissante dans le parcours de santé des Français »
NérèS
11,2 boîtes par an pour un montant annuel de 166 euros
Le parcours de soins officinal est donc aujourd’hui déjà quantifiable. En un an, les ventes ont augmenté à un rythme de 3,1 % par an (voir graphique) pour atteindre un chiffre d’affaires de 4,4 milliards d’euros en 2023 (dont 50 % réalisés par les médicaments de prescription facultative, 31 % par les compléments alimentaires et 19 % par les dispositifs médicaux). C’est dire si ces produits de premiers recours disponibles en pharmacie répondent déjà à un besoin des Français. « Ils en consomment en moyenne 11,2 boîtes par an pour un montant annuel de 166 euros* », souligne NérèS. Le recours à un produit hors prescription tend même à s’inscrire dans les habitudes puisqu’en 2023, 656 millions de dispensations sur 1,18 milliard incluaient au moins un produit de premier recours. En 2019, on n’en avait dénombré que 611 millions. NérèS y voit la preuve que « la prise en charge directe des patients par le pharmacien prend une place grandissante dans le parcours de santé des Français ». Toutefois, une marge de progression subsiste, insiste l’association, résultats de l’étude comparative à l’appui. Des pistes existent d’ores et déjà dans l’Hexagone, rappelle-t-elle. Elle en veut pour preuve le DP qui inclut un système de suivi partagé dans lequel figurent également les transactions OTC. Pourvu que le patient soit identifié dans le système au moment de l’achat. NérèS cite également l’expérimentation OSyS, aujourd’hui élargie de la Bretagne à trois autres régions (le Centre-Val de Loire, la Corse et l'Occitanie). Et qui a démontré l’aptitude des pharmaciens à prendre en charge les patients atteints de maux du quotidien dans 81 % des cas. Ainsi que « les bénéfices organisationnels et financiers d’un tel dispositif, évitant des orientations non pertinentes vers le médecin traitant ou vers les services d’urgences ».
Des forfaits annuels
Enfin, l’étude NérèS mentionne l’exemple de la prise en charge de l’automédication par les assurances complémentaires. « Elles proposent à leurs clients des contrats qui couvrent les médicaments sans ordonnance complètement ou partiellement, en fonction des contrats », expose l’étude, notant que cette prise en charge se matérialise sous la forme d’un forfait annuel d’environ 50 euros, pouvant varier de 20 à 106 euros par an. Un modèle encore balbutiant. Toutefois, NérèS estime que le parcours de soins officinal génère déjà actuellement une économie de 1,5 milliard d’euros pour les complémentaires santé et de 161 millions pour les patients. Car, explique-t-elle, le parcours de soins officinal évite à la fois le reste à charge au patient et le ticket modérateur à la complémentaire prévus dans le parcours médical.
Tous gagnants donc grâce à la prise en charge des maux du quotidien par le pharmacien ? Le dernier mot reviendra au législateur dans quelques semaines lors de la présentation du PLFSS pour 2025. Mais une chose est sûre. NérèS sera vigilant à ce que la clause de sauvegarde soit le reflet des seuls montants présentés au remboursement de l’assurance-maladie. L’association prévient : doivent en être absolument exclus les médicaments de prescription facultative, achetés sans ordonnance, puisque ces derniers sont facteurs d’économies pour les organismes payeurs.
*Français de plus de 15 ans
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