ON ASSISTE depuis quelques années à un engouement pour les probiotiques, définis comme des « micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont administrés en quantités adéquates, produisent un bénéfice pour la santé de l’hôte ». Dans les rayons alimentation, les grandes marques de yaourts ont profité de ce créneau marketing. Dans les officines, avec des exigences bien plus strictes, les compléments alimentaires enrichis de probiotiques se sont multipliés, porteurs d’allégations diverses. Les principales propriétés revendiquées sont le renforcement des défenses naturelles (Bion 3, Ergyphilus plus, Immunostim, Imgalt, Azinc probiotiques…), l’amélioration de l’équilibre intestinal (Aragan Probiotic7, Ergyphilus confort, Ergyphilus enfant, Lactibiane Référence, Bion transit, Œnobiol confort digestif, Probiolog…), la protection de la flore vaginale (Bion flore intime, Aragan Gynebiotic intima, Lactibiane candisis, Lero gynelys…) et la prévention des diarrhées post-antibiotiques. Certaines de ces spécialités présentent même plusieurs propriétés simultanément.
Un écosystème complexe.
Si l’on s’intéresse de plus en plus à la flore intestinale, c’est qu’elle est au cœur de plusieurs fonctions indispensables de l’organisme. Cette flore, encore appelée microbiote intestinal, est un écosystème complexe qui regroupe plusieurs milliers d’espèces de bactéries. Elle est utile à la maturation du tube digestif, à la nutrition et à la dégradation de composés d’origine alimentaire, à la protection contre la colonisation par des agents pathogènes et au bon fonctionnement du système immunitaire. Le système de défense agirait selon plusieurs mécanismes : compétition sur les sites de fixation des agents pathogènes, modification du pH, contribution à la production de cytokines et d’anticorps et donc renforcement de la barrière intestinale. La flore intestinale est propre à chaque individu. On estime à 100 000 milliards le nombre de bactéries présentes dans un intestin humain (soit 1,5 à 3 kg !), chaque individu ayant un profil de flore spécifique et qui devient de plus en plus complexe avec l’âge.
Nouvelles indications en vue.
On sait aussi que le stress, l’alimentation, ou encore la consommation de médicaments peuvent perturber l’équilibre de cet écosystème. Les probiotiques, en rééquilibrant la flore intestinale, participent à un bon fonctionnement de celle-ci. Ils suscitent un intérêt scientifique grandissant. En plus de leurs propriétés reconnues, les recherches s’étendent aussi à leur potentielle utilisation dans des indications diverses : éradiquer l’Helicobacter Pylori en co-traitement, prévenir l’atopie, le diabète et l’obésité infantile en administrant des probiotiques à la femme enceinte, améliorer les coliques infantiles, améliorer des pathologies intestinales telles que le syndrome du colon irritable ou les MICI, protéger contre certains cancers…
Mais les résultats d’études restent encore insuffisants pour fournir des preuves de l’efficacité des probiotiques dans ces indications. Et pour cause : de nombreux facteurs influencent les essais, rendant ceux-ci complexes. Il est par exemple admis de manière consensuelle qu’on ne peut extrapoler les effets d’une souche à une autre. Les allégations dépendent donc à chaque fois d’une souche étudiée précise.
La définition même du probiotique rend son exploitation complexe. En effet, on parle bien de bactéries vivantes pour un probiotique, même si la non-survie n’implique pas une absence d’effets bénéfiques. Et pour les garder vivantes dans les compléments alimentaires et toujours vivantes dans l’intestin, les techniques se multiplient. En premier lieu, on agit sur la souche (les plus souvent utilisées sont par exemple Lactobacillus rhamnosus, Lactobacillus acidophilus Bifidobacterium bifidum, Lactobacillus plantarum, Bifidobacterium longum, Saccharomyces boulardii, Streptococcus thermophilus…) et sur le nombre de bactéries apportées (2 à 10 milliards en général). Puis, pour éviter l’inactivation par l’acidité gastrique et les sécrétions biliaires, on applique aux compléments alimentaires des techniques de microencapsulation, voire de double microencapsulation, qui doivent permettre de multiplier par 10 le nombre de bactéries vivantes atteignant l’intestin.
Un rayon frais dans votre officine.
Placer un rayon frais ou faire de la place dans vos frigos, telle est l’autre solution possible. Car le maintien au froid des bactéries, de leur fabrication à leur consommation, limiterait la perte de bactéries vivantes.
Et parce que la flore intestinale commence à se développer dès la naissance, les laits infantiles ont aussi élargi leur offre en proposant des laits enrichis en probiotiques tels que Bifidobacterium lactis (Guigoz evolia, Guigoz transit, Nidal natéa) afin de renforcer les défenses immunitaires et de prévenir l’apparition de diarrhées. Leur formulation permet à la flore intestinale de se rapprocher de celle d’un nourrisson allaité. Ils peuvent aussi être enrichis en prébiotiques, ces sucres qui permettent à la flore de croître.
Les probiotiques font donc fureur du bébé à la personne âgée. Si les études à venir démontrent qu’ils répondent aux attentes scientifiques, on n’a sans doute pas fini d’entendre parler d’eux.
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