LA FÊTE EST FINIE ! Après des années de croissance ininterrompue, le marché des compléments alimentaires semble à son tour frappé d’atonie. Pire, en 2009, il a carrément plongé (voir graphiques ci-contre). Et cette régression s’est manifestée, dans l’ensemble du réseau officinal, aussi bien en volume (-3,3 %) avec 428,274 millions de boîtes vendues, qu’en valeur (-4,6 %) avec un chiffre d’affaires de 597,204 millions d’euros (source : IMS Health, base compléments Alimentaires). La déconvenue ne se limite d’ailleurs pas au monde de la pharmacie, puisqu’au cours de l’année passée, les parapharmacies ont enregistré une régression de -13,9 % en volume (5,241 millions de boîtes) et de -15,9 % en valeur (69,747 millions d’euros). Des chiffres qui semblent à des années lumière de ceux enregistrés au début du nouveau millénaire, lorsque le marché progressait de +16,6 % en valeur et de +14,4 % en volume (à fin décembre 2001) ; voire au milieu de la décennie, lorsque la croissance était encore respectivement de +26,5 % et de + 31,1 % (à fin 2003).
De l’ébullition à la spécialisation.
L’inquiétude peut être d’autant plus forte que cette nouvelle contre performance vient confirmer la décroissance enregistrée en 2008, année où « le marché des compléments alimentaires a été confronté à un brusque retournement de conjoncture », explique Isabelle Senand, de la société Precepta. Une inversion de tendance que les nombreux acteurs du marché ont vécue comme un choc brutal et qu’ils ont, en général, « mal anticipée ». Cette époque faste où le marché enregistrait des croissances à deux chiffres est-elle pour autant bel et bien révolue ? Rien n’est moins sur ! Seule certitude : ces deux années noires joueront le rôle de « catalyseur à la réorganisation nécessaire du marché ». Car c’est là le principal enseignement de cette décroissance : le marché n’est pas mort, il est en mutation. Selon Philippe Millet, directeur de la rédaction de Nutrimédia et spécialiste des compléments alimentaires, « le marché des compléments alimentaires est en train de passer du stade de l’ébullition, où la croissance était forte, les recrutements de consommateurs importants et l’offre multiple avec beaucoup de me too, à une phase de spécialisation ». Dès lors, il appartient aux acteurs de ce marché de fidéliser les consommateurs recrutés et de faire preuve de réelles innovations.
Un marché de 1,2 milliard d’euros.
En clair, cette mutation devra nécessairement tenir compte des aspirations des consommateurs : la recherche du bien être et la volonté d’être acteur de sa santé. Deux objectifs qui pourraient être plus facilement atteints par une meilleure alimentation et la consommation régulière de compléments alimentaires ; qu’ils soient dédiés à la circulation, aux cheveux et phanères ou encore à la lutte contre le stress.
Pour preuve : un Français sur dix avoue recourir régulièrement aux compléments alimentaires (37 % en consomment) ; alors qu’ils sont six sur dix à déclarer avaler des aliments santé, selon une enquête du Credoc réalisée au printemps dernier. Une enquête qui révèle en outre que, pour 89 % des Français, l’alimentation a une influence sur l’état de santé. Un chiffre qui n’est pas sans rappeler les conclusions de l’étude TNS/Sofres/SDCA, publiée en novembre 2008 et selon laquelle « 91 % de nos concitoyens étaient convaincus qu’ils devaient prendre en charge leur santé ».
Une perspective qui peut donc s’apparenter « à un véritable boulevard pour les pharmaciens », considère Philippe Millet. Ce spécialiste qui estime le marché global à environ 1,2 milliard d’euros – tous secteurs de distribution confondus - voit donc, à terme, l’officine confirmer son leadership (52,5 % de parts de marché en valeur) et prendre une place de plus en plus importante, loin devant le web et autres magasins de vente à distance ou par correspondance (22 % de parts de marché) et très au-dessus des magasins spécialisés (10,5 %) des grandes et moyennes surfaces (8,8 % de parts de marché) et des parapharmacies (6,2 %).
Les segments médicalisés progressent.
Car les consommateurs, confrontés à des « tensions sur leur pouvoir d’achat » en veulent désormais pour leur argent ! « L’année 2009 aura été celle de la fin du bling-bling », résume Philippe Millet. Conséquence : les « segments médicalisés » progressent. À l’instar de celui des défenses immunitaires qui, avec 56,59 millions d’euros, enregistre une croissance de +42,9 % en valeur (40,6 % en volume), ils ont même franchement le vent en poupe. Les ventes de boîtes de compléments alimentaires indiqués dans le cadre de la grossesse croissent ainsi de +12,1 % (+3,4 % en valeur) ; tout comme celles des produits proposées pour une meilleure circulation, qui progressent de +11,2 % en volume (+6,3 % en valeur), ou encore ceux pour la sphère génito-urinaire (+5 % en volume et + 6, % en valeur).
Mais l’allégation médicale ne suffit pas. Encore faut-il pouvoir la démontrer. Pour preuve : les produits conseillés contre les troubles lipido-cardiovasculaire, qui ne bénéficient pas forcément de la côte des Oméga 3, et enregistre une chute de -0,1 % de leur volume, compensée cependant par une progression du chiffre d’affaires (+4,2 %). Car à l’heure où les déremboursements de médicaments sont légions, le report n’est pas systématique. Les produits contre les effets de la ménopause accusent ainsi une chute de leurs volumes de -18,4 % (-18 % en valeur), tout comme les reminéralisants osseux dont le nombre de boîtes vendues en pharmacie diminue de -15,8 % (-14,2 % en valeur).
La cosmétique orale marque le pas.
C’est également cette absence de preuve d’une éventuelle efficacité qui a valu à la cosmétique orale et aux segments, jusqu’alors porteurs, de s’effondrer. Les ventes de produits pour la minceur ont ainsi reculé de -19 % (-16,4 % en valeur). Une chute importante qui rééquilibre les cartes, mais n’empêche pas ce segment vedette de conserver son leadership avec 22,21 % du marché (22,45 en volume). De la même manière, les ventes de compléments alimentaires pour la peau ont fondu de -17,6 % entraînant une érosion de leur chiffre d’affaires de -18 %. « Ce segment pourrait cependant connaître un regain d’intérêt avec l’apparition d’éléments scientifiques probants » juge Frédéric Levy directeur général du laboratoire Biocyte.
C’est en tout cas le pari de cette jeune société, basée à Juan-les-Pins et qui a décidé d’asseoir son développement à la fois sur les produits pour la peau et sur les compléments alimentaires pour les cheveux et les phanères. Dans cette optique Biocyte a conduit des études scientifiques visant à démontrer l’efficacité des composants de ses compléments alimentaires. Une démarche qui va dans l’air du temps et se rapproche fortement de celle des laboratoires pharmaceutiques. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si huit des dix acteurs de ce marché sont des laboratoires pharmaceutiques (lire encadré). Et il y a fort à parier que les nouveaux venus, à l’instar de Ranbaxy qui lance sa gamme de compléments alimentaires probiotiques, soient de plus en plus souvent des laboratoires pharmaceutiques capables de démontrer ce qu’ils allèguent.
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