LA VACCINATION, en temps que telle, a vu le jour avec Jenner, puis Pasteur, et s’est développée au cours des XIXe et XXe siècles. Partie d’une observation empirique d’immunité croisée entre deux maladies, la vaccine et la variole, la vaccination, longtemps empirique, est devenue une science à part entière (le terme de vaccinologie date de 1977 : amélioration des vaccins disponibles, optimisation de leur utilisation, développement de nouveaux vaccins) débutant par l’isolement de l’agent pathogène, sa culture, son atténuation ou son inactivation pour fabriquer un vaccin.
Le « modèle » de la variole.
Les premières descriptions de la variole, véritable fléau qui a marqué la mémoire de l’Humanité (première cause d’épidémies en Europe du 15e au XIXe siècle), remontent aux premiers siècles de notre ère en Chine.
Très tôt, au cours du Moyen-Age, on avait observé que les personnes ayant survécu à la variole étaient définitivement immunisées contre cette maladie, à l’origine d’épidémies fréquentes.
Cela avait entraîné le développement de diverses « techniques » de variolisation (la première mention indiscutable de variolisation apparaît en Chine au XVIe siècle) consistant à inoculer volontairement la variole à partir d’un sujet faiblement malade ou lui-même déjà variolisé. Cette pratique consistait à inoculer une forme qu’on espérait peu virulente de la variole en mettant en contact la personne à immuniser avec le contenu de la substance suppurant des vésicules d’un malade. Le résultat restait cependant aléatoire et risqué, le taux de mortalité pouvant atteindre 1 ou 2 %. Cette méthode a été importée en Occident au début du XVIIIe siècle grâce à la femme de l’ambassadeur d’Angleterre à Istanbul, Lady Mary Wortley Montagu.
Tout au long du XVIIIe siècle, les médecins vont pratiquer la variolisation sur leurs riches patients car il était indispensable que le patient soit très soigneusement isolé afin qu’il ne risque pas de provoquer lui-même une épidémie.
La variolisation fut introduite en France par le docteur Théodore Tronchin qui inocula son fils puis, en 1756, les enfants de Louis-Philippe d’Orléans. La méthode restera largement controversée en raison de ses risques et elle sera même accusée de provoquer des épidémies, les personnes inoculées étant contagieuses.
Quoi qu’il en soit, dès 1760, Daniel Bernoulli démontra que, malgré les risques, la généralisation de cette pratique permettrait de gagner un peu plus de trois ans d’espérance de vie à la naissance.
L’intuition de Jenner.
Edward Jenner, médecin de campagne anglais passionné par la recherche, réalisa la première vaccination utilisant un vaccin vivant atténué. Il publia en 1798 l’emploi du cow-pox, ou « variole des vaches », pour préserver les hommes de la variole.
Il avait observé que les trayeuses ne contractaient généralement pas la variole. En mai 1796, Jenner inoculait James Phipps, un jeune garçon de 8 ans, avec le contenu de vésicules de vaccine recueilli sur l’une des mains de Sarah Nelmes, une trayeuse qui avait contracté la vaccine transmise par une vache. Plus tard, Jenner pratiqua sur le même sujet la variolisation, sans observer de signes d’infection. Jenner s’employa ensuite à diffuser le principe de la vaccination dans le public.
Finalement, la « vaccination » (mot dérivé de vacca, vache) fut acceptée et en 1840 le gouvernement britannique interdit la variolisation et encouragea la vaccination.
Puis la conceptualisation de Pasteur.
Ce sont les travaux de Pasteur et de ses élèves qui permirent de comprendre les bases théoriques de la vaccination, notamment ceux de Roux et Duclaux, faisant suite aux expériences de Robert Koch mettant en relation les « microbes » et les maladies.
Durant l’été 1879, Pasteur découvrit que les poules auxquelles on a inoculé des cultures vieillies du microbe du choléra des poules non seulement ne meurent pas mais résistent à de nouvelles infections - c’est la découverte d’un vaccin d’un nouveau type. Contrairement à la vaccination contre la variole, Pasteur induisit artificiellement l’atténuation d’une souche initialement très virulente et c’est le résultat de cette atténuation qui fut utilisé comme vaccin.
Le 5 mai 1881, lors de la célèbre expérience de Puilly-le-Fort, un troupeau de moutons fut vacciné contre la maladie du charbon à l’aide d’un vaccin mis au point par Pasteur, Émile Roux et Charles Chamberland. Cette expérience fut un succès complet. Pasteur énonça alors le principe de la vaccination « des virus affaiblis ayant le caractère de ne jamais tuer, de donner une maladie bénigne qui préserve de la maladie mortelle ».
Cette même année, Pasteur commença ses publications sur la rage. En 1885, Pasteur affirma pouvoir obtenir une forme du virus atténué en exposant de la moelle épinière de lapin rabique desséchée au contact de l’air gardé sec. Puis il fit ses premiers essais sur l’homme. Le 6 juillet 1885, on amena à Pasteur un petit berger alsacien âgé de neuf ans, Joseph Meister, mordu l’avant-veille par un chien. Les Dr Alfred Vulpian et Jacques-Joseph Grancher estimant que le cas était suffisamment sérieux pour justifier la vaccination et la firent pratiquer sous leur responsabilité (treize inoculations réparties sur dix jours). Il ne développera jamais la rage. Pasteur, fit faire à Meister, après la série des inoculations vaccinales, une « injection de contrôle », consistant à lui injecter une souche virulente de rage…
Et les autres…
La machine était lancée et bien d’autres contributions devaient permettre d’écrire les chapitres suivants.
Citons, notamment, la publication en 1884 de la théorie de l’immunité cellulaire par Metchnikoff, la mise au point des anatoxines (toxines transformées sous l’effet de la chaleur et du formol) par Gaston Ramon (diphtérie en 1923, tétanos en 1926), les applications de l’atténuation par culture en série (Calmette et Guérin : BCG en 1927, souche 17 D du virus de la fièvre jaune par Theiler en 1936), la maîtrise des cultures cellulaires à partir de 1948 (polio orale, rougeole, rubéole, oreillons, varicelle), les vaccins polyosidiques en 1970 par Gotschlich (méningocoques, pneumocoques, Hæmophilus influenza), les vaccins à polyosides conjugués en 1980 par Schneerson et Robins, immunogènes dès les premières semaines de vie, les vaccins à sous-unités, les vaccins recombinants (hépatite B, HPV)… en attendant, pour l’avenir, les vaccins ADN, les nouvelles voies d’administration (nasale, transcutanée, rectale).
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