L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment déclaré Peshawar, la grande ville du nord-ouest du Pakistan, comme « le plus grand réservoir mondial » de cas de polio, en appelant à y intensifier la vaccination.La quasi-totalité des cas de polio enregistrés en 2013 au Pakistan et en Afghanistan, deux des trois pays avec le Nigeria où la poliomyélite est encore endémique, sont génétiquement liés à des souches du virus circulant à Peshawar. Des trois pays encore d’endémie, le Pakistan est le seul où le nombre de cas a augmenté entre 2012 (58 cas) et 2013 (91 cas). Les efforts pour éradiquer la maladie sont freinés par les attaques dont sont victimes les vaccinateurs. Depuis décembre 2012, on compte une trentaine de morts lors de ces attaques perpétrées par des groupes rebelles opposés aux campagnes de vaccination, accusées notamment de causer l’infertilité ou de servir de couverture à des activités d’espionnage occidental. La campagne de vaccination devrait se poursuivre jusqu’au mois d’avril.
Gagner la confiance du public.
Dans un entretien paru dans le Bulletin de l’organisation mondiale de la santé, l’anthropologue Heidi Larson qui fait partie du groupe de travail sur la réticence à la vaccination créé en 2012 par l’OMS rappelle également le Boycott de la vaccination antipolyomyélite en 2003 dans le Nord du Nigeria ou encore les poches de résistance au vaccin antipoliomyélitique oral dans l’Uttar Pradesh, au nord de l’Inde. « On pensait auparavant que le monde se divisait en deux catégories : les "pro" et les "anti". La plupart des gens sont favorables à la vaccination et, dans ce groupe, près de neuf personnes sur 10 acceptent de se faire vacciner, une proportion variable selon le type de vaccin. Certains groupes en revanche y sont fermement opposés et ne changeront jamais d’avis, généralement car ils ont un système de croyance différent dans le domaine de la santé, et ce souvent depuis très longtemps », explique-t-elle. Pour gagner la confiance du public dans la vaccination, il ne suffit pas, selon elle, d’expliquer que les avantages sont supérieurs aux risques mais de comprendre ce qui motive les comportements et d’adopter des stratégies visant à empêcher un trop fort recul de l’acceptation.
Un cas exemplaire.
Dans la région Europe de l’OMS, les autorités israéliennes ont récemment dû faire face à un tel défi après la confirmation d’une réintroduction du poliovirus sauvage de type 1 dans des prélèvements environnementaux en mai 2013. Après une première série de vaccinations avec le vaccin poliomyélitique inactivé injectable qui a fait progresser la couverture vaccinale de 95 à 98 %, une campagne de vaccination par le vaccin oral a été décidée dans tout le pays après les recommandations d’une mission de l’OMS. La difficulté a été de faire admettre cette vaccination supplémentaire dans une population fortement immunisée alors qu’aucun cas de paralysie flasque n’avait été recensé et en utilisant un vaccin oral (vivant atténué) abandonné dans le pays depuis 2005 en raison du risque, très faible, de poliomyélite paralytique associée au vaccin. Le ministère de la Santé s’est appuyé pour cela sur les professionnels de santé. Le choix a été fait de ne pas prendre de front les opposants à la vaccination qui ont profité de l’occasion pour dénigrer la vaccination, mais de réduire leur influence. Résultat : 900 000 des 1,2 million qui devaient être vaccinés l’ont été avec une réduction de la circulation du virus, soulignent les auteurs du bulletin « Eurosurveillance » qui rapportent cette expérience, laquelle pourrait, selon eux, être utile à d’autres pays.
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